LIGUE
DJIBOUTIENNE DES DROITS HUMAINS
L.D.D.H
Le Président NOEL ABDI Jean-Paul
SIEGE Q.V. BOULEVARD DE GAULLE
BUR TEL (fax) : (253) 35 78 04
DOM TEL (fax) : (253) 35 80 07
B.P. : 74 - DJIBOUTI - RDD
e-mail : noel_lddh@intnet.dj
https://old.ardhd.org/lddh.htm
DIFFUSION
D'INFORMATION N°1/LDDH du 11 février 2001
Le
cancer de la corruption
l'impunité.
Note liminaire :
La corruption
définie comme l'une des formes de l'abus de pouvoir public ou
social au profit d'un intérêt privé ou individuel
constitue l'aspect le plus flagrant de ce problème, l'aspect
le plus intolérable, l'aspect qui entraîne l'exclusion
de la majorité de nos populations, l'aspect qui nous attire vers
la profondeur du gouffre de la pauvreté.
C'est dans le
cadre de la prévention et le traitement des actes de corruption
que nous avons décidé de déployer un travail de
communication, d'information, et de formation d'estime a sensibiliser
l'opinion publique sur les répercussions de la corruption et
sur les entraves dangereuses pour le développement et aussi sur
le risque d'explosion sociale dû à l'appauvrissement de
la très grande marge du tissu social, alors qu'une poignée
s'enrichit par le fait de la corruption.
Cette diffusion
serait plus axée sur les cas de corruption à Djibouti,
mais il paraît plus opportun dans un premier stade, de participer
dans une discrétion la plus absolue, dans des réseaux
semi-clandestins pour développer les initiatives destinées
:
1°) à
réduire la passivité des citoyens à l'égard
de ce phénomène qui tue, ce
phénomène de la corruption et des détournements
des deniers publics
2°) à renforcer les moyens de les combattre. La lutte contre
la corruption
s'inscrit dans le mouvement de défense des droits humains et
c'est ensemble que nous devons développer ce combat ici à
Djibouti dans la droite ligne de la citoyenneté véritable,
responsable, digne et plein de courage.
C'est à
travers ce combat légitime contre la corruption que l'on pourra
sauver le pays.
C'est dans cet
optique que nous avons choisi dans le bulletin de Transparence de l'Association
Marocaine de Lutte contre la Corruption les articles suivants :
- Quelques réflexions
sur l'impunité en matière de corruptions
- La pérennisation
de l'impunité par les textes
- Corruption
et impunité au Maroc
- Corruption
dans les marchés publics
- Marchés
publics, corruption et alternance
- Le Médiateur
: un levier pour lutter contre la corruption ?
- La corruption
, négation des Droits Humains
Avant de terminer cette note liminaire, ces thèmes de réflexions
vous sont soumis :
LA CORRUPTION
A- " LA
CORRUPTION. L'ENVERS DES DROITS DE L'HOMME ".
Une analyse historique
de notre pays nous conduit à affirmer que l'ampleur de la corruption,
est intrinsèquement liée aux violations massives des droits
humains qu'a connues notre pays durant les dernières décennies.
B- LA CORRUPTION,
OBSTACLE AU DEVELOPPEMENT HUMAIN
Par le détournement
de ressources publiques, au profit privé des détenteurs
du pouvoir, la corruption constitue une barrière majeur au développemt
humain de notre pays.
C- LA CORRUPTION,
OBSTACLE A L'ACCES AUX DROITS SOCIAUX FONDAMENTAUX
Sous sa forme
d'extorsion, la corruption se dresse comme un obstacle auquel le citoyen
est confronté au quotidien pour accéder aux droits fondamentaux
que sont l'accès à l'école, à la santé
ou encore au service de l'administration.
C'- Le citoyen
entrepreneur n'est pas épargné et la compétitivité
des entreprises et de l'économie est condamné par le système
de corruption.
D- LA CORRUPTION,
OBSTACLE A L'ACCES EGAL A LA JUSTICE
Les citoyens
qui résistent au système de corruption se trouve souvent
démunies face à une justice otage de la richesse et tournent
le dos au devoir d'assurer à tous une égalité devant
la loi.
E- LA CORRUPTION,
OBSTACLE A L'ACCES A LA DEMOCRATIQUE
La pratique très
répandue de la corruption dans l'achat des voix des élections
fait de la vie politique un vaste marché d'investissement avec
des attentes de rentabilisation et de retour sur investissement. Ce
phénomène détruit la confiance des gens dans la
chose publique et décidabilité le système politique
contribuant ainsi au maintien du scepticisme et à la passivité.
F- ENCORE UNE
FOIS : " LA CORRUPTION, L'ENVERS DES DROITS DE L'HOMME "
L'ensemble de
ces violations des droits de l'homme font de la corruption cette machine
monstrueuse qui, sans cesse, nie " la dignité inhérente
à tous les membres de la famille humaine et [
] leurs droits
égaux et inaliénables " (préambule de la déclaration
universelle des droits de l'homme, 1948)
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Bulletin de Transparence de l'Association Marocaine de Lutte contre
la Corruption . N° Hors série Décembre 2000 sélection
d'articles.
QUELQUES REFLEXIONS SUR L'IMPUNITE EN MATIERE DE CORRUPTION.
La loi - qui est, en principe, au-dessus de tous - définit les
peines encourues par tout individu qui l'outrepasse. Appliquer la règle
de droit à tous les cas sans exception (égalité
de traitement) est une des caractéristiques d'une situation qui
connaît la primauté de la loi.
'The rule of
Law' disent les Anglo-saxons, expression qu'il faudrait traduire en
français par l'état de droit (en minuscules, si on ne
craint pas la confusion avec la notion d'Etat de Droit, en majuscules).
Et en arabe, la traduction serait : siadat el qanoun.
Selon l'expression
consacrée : el qanoun ya'lou oua la you'la alaïh.
C'est là
un des préalables logiques et une composante de base d'un Etat
démocratique. Mais la démocratie ne se résume pas
à cela. Elle suppose beaucoup d'autres conditions dont, entre
autres, la séparation des pouvoirs et bien des choses encore
qui ne sont pas le propos ici.
Dans la pratique,
les procureurs ont à charge d'entamer des poursuites lorsqu'ils
sont en possession d'informations qui les induisent à penser
que la loi a été violée. Quant aux juges, ils sont
chargés - en leur âme et conscience, et selon leur "
convention intime " - de doser les pleines encoures par ceux mis
en examen ou de les acquitter si les éléments de preuve
sont insuffisants.
Lorsque certains
délits (ou certaines personnes) jouissent d'un privilège
d'exception - celui d'échapper à la règle de droit
-, on est dans l'impunité, qui marque un défaut de la
primauté de la loi, et finalement une défaite du droit.
Un des moyens pour établir la règle est de faire reculer
les pratiques d'impunité. Sans quoi, la justice ne jouit plus
du prestige indispensable à sa fonction : celle d'établir
et de rétablir certaines normes du comportement social.
On parle de
politique d'impunité d'un état ou d'un gouvernement dans
les situations où il s'agit d'une pratique construite, avec ses
règles, qui définissent quelles sont les personnes ou
les cas qui jouiront du privilège d'impunité. Lorsque
ces règles sont seulement, implicites, et restent non écrites,
c'est tout un travail de débanalisation et de délégitimation
dans l'opinion publique qui est nécessaire pour rétablir,
dans la pratique, la règle de droit édictée dans
les textes de loi.
Pour donner
un exemple. En Jordanie, le meurtre est interdit et puni par la loi.
Mais l'assassinat des épouses, surs, filles,
. qui
atteinte, par leur comportement, à l'honneur du clan, de la 'achira,
jouit de l'impunité.
L'impunité
est la manifestation de l'existence d'une " seconde règle
", qui se trouve confortée par une pratique systématique
(=politique) d'impunité. Règle réelle, par rapport
à la règle de droit proclamée par le texte de loi.
L'exemple cite
nous permet d'entrevoir les relations qui lient le droit écrit
et le contexte politico-social ; et de comprendre en quoi un intense
travail d'opinion publique est toujours nécessaire pour ®établir
la règle de droit. Un tel travail d'opinion publique peut emprunter
un ensemble très varié de chemins.
La publication
d'une loi et son application exemplaire en font partie.
Dans le cas
du Maroc, et dans le même ordre d'idée, en matière
d'impunité " implicite ", viennent en première
ligne les pratiques d'enlèvement de torture interdites par le
code Pénal. Mais une seconde règle, non-écrite,
a présidé à une extension considérable de
telles pratiques : lorsqu'il y a dissidence, tout est permis pour réprimer,
y compris par la torture et bien moyens pour faire régner la
terreur.
Pour sortir
de là, la règle de droit doit être ( r )établis
par les mesures qui conviennent, sinon, personne n'est à l'abri
d'un retour - nécessairement tragique - au passé. Et ces
mesures vont de la privation des contrevenants de leurs droits civiques,
aux excuses publiques prononcées par l'Etat, en passant par les
réparations matérielles, etc
En finir avec l'impunité, en finir avec la double règle,
est un levier essentiel de l'établissement de la primauté
de la loi, qui est un des préalables logiques, une des composantes
de la démocratie.
LA PERENNISATION DE L'IMPUNITE PAR LES TEXTES
La distance
qui sépare une société donnée de l'état
de droit ('rule of Law) devient astronomique lorsque l'impunité
trouve directement dans des textes de loi les ressorts de sa pérennité.
On n'est plus
seulement dans la politique de l'impunité mais dans la corruption
(avec un grand 'C')
Corruption,
en arabe, se traduit généralement chez nous par Rechoua,
lorsqu'il s'agit de mettre l'accent sur la pratique des pots de vin.
Le mot de Fassad - lorsque le contexte ne laisse pas d'ambiguïté
- convient à traduire Corruption, avec (un grand 'C'), la Corruption
dans le sens philosophique du terme, la Corruption de l'Etat - pour
la différencier de la corruption au quotidien.
La Corruption
(avec un grand 'C') correspond à cette situation très
grave : celle où le viol de la règle de Loi est facilitée
et réglementée par le texte de la loi lui-même.
Celle où le législateur lui-même a prévu
des dispositions " légales " pour violer les grandes
règles du Droit.
La Cour Spéciale
de Justice a été créée en 1964. Elle n'est
pas concernée par toutes les affaires de corruption. Les affaires
visées sont celles dans lesquelles les montants en jeu - selon
les dernières modifications de la loi en 1972 - dépassent
25 000, 00 DHS (vingt cinq mille dirhams).
Il ne s'agit
donc pas du racket courant des petits fonctionnaires mais de corruption
de grande de corruption de grande envergure - qui concerne donc des
fonctionnaires qui ont un pouvoir déjà assez considérable.
En instaurant
la Cour spéciale de Justice en 1964, les dispositions judiciaires
mises en place sont les suivantes : l'article 8 précise que.
" l'action
publique est mise en mouvement par le ministère public près
la Cour Spéciale de justice sur l'ordre écrit du ministre
de la justice " (autrement dit par une décision politique
prise au plus haut niveau, c'est à dire émanant de l'exécutif).
Ainsi, contrairement
au vol, au meurtre et à tous les autres délits, le ministère
public - c'est à dire le corps des procureurs - n'est pas habilité
à entamer des poursuites, lorsqu'il reçoit des informations
(par la bouche du Ministre de l'intérieur prenant la parole devant
le Parlement, par exemple, ou par voie de presse, ou autrement,
)
qui indiquent qu'un délit de corruption a été perpétré.
Il doit nécessairement attendre une décision politique
émanant du gouvernement.
CORRUPTION ET IMPUNITE AU MAROC
Sur le plan le plus abstrait, avant même de regarder ce qui se
passe tous les jours dans la pratique de la Justice, on a d'abord cette
singularité : la loi accorde aux corrupteurs/corrompus qui ont
passé contrat pour violer la loi, le privilège de n'être
pas automatiquement poursuivis mais seulement après examen, et
décision politique du gouvernement.
Pour comprendre
cette singularité sur un plan plus concret, historique, on doit
la considérer comme une des bases qui a permis dans les quarante
années précédentes, de faire de la distribution
de privilèges et de prébendes, et de la corruption un
système de gouvernement. On ne peut à la fois encourager
à l'enrichissement par l'abus de pouvoirs sans se protéger,
en même temps, contre un magistrat honnête qui entamerait
des poursuites. Il fallait un verrou au plus haut niveau. Et avoir la
possibilité de choisir de le lever lorsqu'on souhait " régler
son compte " à celui-ci ou à celui-là.
La Cour spéciale
de justice et son article 8 sont le complément indispensable
de la corruption érigée en système de pouvoir.
Et si on s'en
tient à la toute dernière période, on a pu ainsi
constater que le fameux " ordre écrit du Ministre de la
justice ", n'a pas été donné dans de nombreuses
affaires. (audit des collectivités locales, CNSS, CNCA, MAP,
. pour ne citer que les " affaires " pour lesquelles
l'encre des journaux a de la peine à sécher). Autrement
dit, la loi de 1964 continue à assurer une base légale
à l'impunité.
Le système
continue donc à fonctionner selon les anciennes règles
du jeu établi. Celles qui protègent les pratiques de corruption.
La transition tarde à advenir.
Lorsque le mémorandum
du collectif des associations contre la corruption (10 décembre
1998) demande la suppression de la Cour Spéciale de Justice,
et le retour au droit commun en matière de lutte contre la corruption,
c'est la suppression de la base légale de l'impunité qui
est visée.
Mais une telle
demande ne saurait être isolée des autres revendications.
En matière
de lutte contre les pratiques d'extorsion et de racket qui sont constitutives
de la banalisation et de la répétition à l'infini
de l'abus de pouvoir, la Justice risque en effet d'être d'un secours
limité.
Le travail de
réformes autour de l'acte administratif, qui permettrait la prévention
du racket et de la corruption est indispensable (simplification des
procédures, information du public, possibilités de recours
immédiats et rapides).
L'opacité
et la culture du secret doivent être combattues par l'établissement
du droit à l'information, du droit d'accès de tout un
chacun à tout document produit par l'administration. Ce droit
à l'information implique aussi nécessairement la protection
des journalistes dans leur travail d'investigation.
Le travail de
sensibilisation à travers les médias audiovisuels doit
précéder et accompagner la prise de mesures.
Et la lutte contre la corruption ne saurait rester isolée de
tous les aspects de la lutte pour la citoyenneté. Ainsi, du combat
pour autonomiser la Justice de l'exécutif et des puissances d'argent
afin qu'elle puisse jouer son rôle, y compris contre la corruption.
On ne sort pas
en un soir d'une période de violations massives des droits humains
(la corruption est aussi une violation des droits humains). Certes.
Raison de plus
pour se presser de commencer.
S. ASSIDON
CORRUPTION DANS
LES MARCHES PUBLICS
" Malgré
tout, la corruption existe et les compagnies américaines ont
à quelque reprises identifié la corruption comme étant
un obstacle à la conduite d'affaires au Maroc, notamment en pointant
les pratiques de dédouanement et de passation des marchés
publics "
C'est la citation
d'un rapport du département de commerce des Etats Unis, intitulé
" investment Climate ". 63 pays y figurent sous le chapitre
" Corruption ".
Ce n'est pas
réjouissant, bien que la formulation de la citation concernant
le Maroc semble plus atténuée que celles réservées
à la plupart des autres pays.
La passation
des marchés publics semble être le domaine de prédilection
des pratiques de corruption à travers le monde. On le relève
dans la quasi totalité des citations du rapport.
A l'évidence
la commande publique séduit. Il suffit de voir les sommes qu'elle
met en jeu, surtout dans les pays en voie de développement :
27 % du PIB au Maroc, 11% dans les pays de l'Union Européenne.
Le caractère
quasi-universel de la corruption dans les marchés publics ne
doit pas être perçu comme une fatalité et conduire
à la tolérer. Les économies, notamment les moins
avancées comme la notre, ne peuvent supporter le coût qu'elle
induit.
Au delà
de ses répercussions financières directes, la corruption
dans les marchés publics, pervertit le jeu économique
fondé sur la concurrence et constitue un facteur bloquant (parmi
tant d'autres) pour l'investissement.
C'est souvent
grâce aux marchés publics que les milieux d'affaires s'intéressent
à un pays. La gestion des processus d'achats publics constitue
un élément essentiel de la perception qu'ont les hommes
d'affaires d'un pays donné. Offrir une image de transparence
et de crédibilité dans ce domaine, se répercute
positivement et de manière significative sur toute l'image du
pays.
Au Maroc, nous
disposons aujourd'hui, d'un avantage considérable un code de
marchés publics rénové. Il est, certes, critiquable
sur beaucoup de ses aspects, mais il demeure relativement avancé
et répond à ce qui peut être considéré
comme étant la norme internationale en la matière. L'introduction,
dans le nouveau décret, de dispositions telles : l'ouverture
publique des offres, la publication des résultats, la motivation
des éliminations, le contrôle de l'exécution,
sont de nature à injecter une bonne dose de transparence dans
la gestion des marchés publics.
Seulement, toute
le monde sait qu'il ne suffit pas d'avoir une bonne loi pour aboutir
à de bons résultats. Car, les techniques de coutournement
se perfectionnent autant que les règles, et la mise en application
de celles-ci, mettent en évidence leurs propres limites. Un bon
code est une condition nécessaire mais pas suffisante. Il est
nécessaire d'accompagner son application par :
- sa large diffusion
et l'explication simplifiée de ses dispositions.
- Le renforcement du professionnalisme des acheteurs publics et de tous
les intervenants dans le processus.
- L'introduction de règle déontologiques complétant
celles dictées par la loi.
- La mise en place de dispositifs d'information et de communication
sur les appels d'offres et marchés.
- Le suivi par la presse.
Il serait beaucoup
plus productif de se focaliser sur les modalités d'une application
efficiente des nouveaux textes plutôt que de s'attacher à
lister leurs insuffisances.
Saddouq.
Marchés publics, corruption et alternance
L'aternance
ne peut se permettre d'ignorer la question de la corruption, notamment,
à l'occasion des marchés publics.
Les marchés
publics sont, à n'en pas douter, l'un des lieux de prédilection
de la corruption et des pots de vins. Aussi, dans son programme d'assainissement
et de moralisation de l'administration, le gouvernement vient d'adopter
un nouveau décret sur les marchés publics qui se propose
un peut plus de transparence et de rigueur afin d'éviter la corruption
les pots de vins et autres bakchich et malversations d'accompagnement,
au détriment de l'intérêt général
et de la bonne utilisation de deniers publics. La lecture de se nouveau
texte permet de relever d'avantage de transparence et de rigueur par
rapport à l'ancien. La question qui se pose cependant est de
savoir si cela est suffisant ? Le nouveau texte a probablement des atouts,
mais les textes ne valent pas que par l'application qui s'en fait.
Quoi que l'on
en dise , l'Etat de Droit ne passe pas, nécessairement, par l'adoption
de nouveaux textes, bien que la refonte de ceux qui pour une raison
ou une autre sont dépassés soit indispensable. L'Etat
de droit ne vient que du respect et de l'application du droit. Sans
chercher à faire l'éloge des anciens textes, ces derniers
ne sont pas aussi mauvais que l'on peut penser, encore faudrait-il seulement
les appliquer et veiller à leur application et sanctions en cas
de violation. La question de la sanction en ce qui concerne les hauts
fonctionnaires coupable de violations à la loi demeure encore
un sujet tabou au Maroc. L'Etat de droit ne saurait se parer, dans les
faits et hors les dispositions constitutionnelles, d'une caste de privilégiés
juridiques en risquant rien en dépit de leurs violations du droit.
L'assainissement
du mauvais usage qui est fait généralement dans les marchés
publics et la moralisation de ces derniers ne saurait avoir lieu sans
contrôle approprié et surtout sans sanctions en cas d'infraction
à la loi. Beaucoup savent que les personnes sanctionnées
à l'occasion et en raison d'infractions à la loi, malversations,
dilapidation de deniers publics ne sont pas toujours celles qui devraient
l'être en premier.
Bien souvent
les subalternes écopent à la place et pour le compte de
qui ils ont agi.
L'argent placé
sous hiérarchie se retrouve entre le marteau et l'enclume : faut-il
jouer le jeu, marcher, s'exécuter pour le compte de la hiérarchie
qui a pris le soin de déléguer ses pouvoirs, tout en contrôlant
chaque décision sans se mouiller elle même, ou faut-il
se refuser à agir en marge de la légalité et en
faire les frais par des représailles immédiates ? Nombreuses
sont les compétences et personnes intègre qui dans l'administration
et les entreprises publiques se retrouvent au placard, relevées
de leurs fonctions, pour ne pas avoir voulu s'exécuter. Notons
aussi, que plusieurs s'efforcent de manuvre entre charibi et sylla
pour ne pas savoir à perdre des indemnités et avantages,
d'un côté, et pour ne pas se retrouver un jour devant la
cour spéciale de justice, de l'autre.
Pour une meilleure
gestion des administrations et entreprises publiques, le secret devrait
être levé, les journalistes et les juges d'instructions
pouvoir amplement jouer leur rôle, des contre pouvoirs mis en
place afin d'assurer un équilibre et permettre un contrôle
approprié, des sanctions prises contre ceux qui n'ont aucun souci
de l'intérêt général et du bon usage des
deniers publics. Jusqu'à présent on ne saurait dire que
l'alternance ait envoyé des signaux forts en ce sens, si ce n'est
l'exception du Ministère de la justice. Pourtant, les affaires
scandaleuses ne manquent pas et plusieurs les connaissent qu'il s'agisse
de l'ère passée ou de ce début d'alternance. Fermer
les yeux dur ce qui s'est passé et, pire, sur ce qui se passe
encore aujourd'hui est à double tranchant et le gouvernent d'alternance
ne peut pas se le permettre. Au delà du discours et des textes,
il fut en venir à l'application ne serait ce que et pour l'exemple.
MIMOUM CHARQI.
Bulletin de Transparence Bimestriel de l'Association Marocaine de Lutte
contre la Corruption n°8 sept- oct- 2000.
Le Médiateur
: un levier pour lutter contre la corruption ?
La presse s'est
faite l'écho d'un projet de loi en cours et de débats
de cabinets concernant l'institution du Médiateur. En tant qu'il
permet de s'opposer aux abus de pouvoir public - de nombreuses formes
de corruption résultent de tels abus -, l'institution du Médiateur
concerne la lutte contre la corruption.
Très
succinctement, comment fonctionne, à travers le monde, par-delà
ses différentes variantes nationales, l'institution du Médiateur
(dit Ombudsman dans l'aire anglo-saxonne, et 'Défendeur du peuple'
dans l'aire hispanique) ?
Sollicité
par une partie privée qui serait en conflit avec une institution
étatique (y compris les forces de sécurité et l'armée),
le Médiateur peut décider, sous diverses réserves
- en particulier à condition que ce conflit ne soit pas en cours
de traitement judiciaire - de se saisir du cas qui lui est soumis, de
procéder aux investigations qui lui semblent nécessaires,
et d'émettre une recommandation qui peut comporter des actions
à entreprendre ou à suspendre par l'institution étatique
concernée. Néanmoins, une telle recommandation n'a pas
" la force de la chose jugée " (autrement dit, elle
n'est pas, en général, passible d'exécution par
la puissance publique).
Si l'immunité
dont il jouit lui permet d'échapper aux pressions, et si les
institutions étatiques peuvent être contraintes par la
loi de lui permettre de procéder à des investigations
et de répondre à ses demandes d'information, comment assurer
que l'instance étatique qu'il serait amené à mettre
en cause tiendra compte de son avis final ?
Pour le Médiateur,
sa seule force est, en principe, une force morale. Or il y a différentes
voies pour que cette " puissance morale " soit établie.
Ainsi, dans
de nombreux pays, cette institution est inscrite dans la Constitution.
De plus, sa légitimité est issue de la souveraineté
populaire : le Médiateur est nommé par le Parlement à
une majorité de 2/3, voire quelquefois de 3/5. Outre qu'il s'agit
généralement d'une personnalité dont la compétence
et la probité sont largement reconnues, son choix - à
l'instar de celui du chef du gouvernement - ressort en principe de la
souveraineté populaire. Mais, pour ce qui est du Médiateur,
ce choix transcende les clivages du champ partisan. De là son
autorité morale incontestable. De plus, un tel mode de désignation
implique la responsabilité du Parlement qui a le devoir de réagir
si, par défi, l'institution étatique impliquée
s'avisait d'ignorer l'avis émis par le Médiateur (les
moyens de rétorsion aux mains du Parlement ne manqueraient pas).
Il est intéressant
de noter que c'est justement sur ce point (comment désigner le
Médiateur) que le débat de cabinet a été
rapporté par la presse.
Le Médiateur
marocain sera-t-il un remake " modernisé " de l'antique
et makhzénien Diwane achchikayate - vieil instrument du renforcement
de l'autoritarisme et de la concentration des pouvoirs - ou sera-t-il
un levier d'émancipation et de souveraineté populaires
?Sera-t-il un cahe-sexe à l'ordre des privilèges ou méritera-t-il
le nom de 'Défenseur du Peuple' qu'il a dans certains pays, en
particulier du fait de son mode de désignation ?
Dans les pays
où la séparation des pouvoirs est un acquis bien établi,
et où l'abus de pouvoir n'est plus la règle, le Médiateur
est , en quelque sorte, un complément, un raffinement : il est
un recours contre les imperfections de la loi( dont la souveraineté
est établie) ou, en dernière instance, contre les abus
de pouvoir exceptionnels contre lesquels il existe d'autres mécanismes
et d'autres institutions au premier rang autonomie par rapport aux diverses
puissances de l'heure, y compris celle de l'argent.
Chez nous, aujourd'hui,
face aux abus de l'administration, les gens ont besoin au quotidien
d'une instance de recours, d'un véritable contrepoids (pour ne
pas dire contre-pouvoir) qui exercerait une dissuasion. Il faut donc
espérer que le texte de loi a prévu, comme c'est le cas
dans les pays où l'institution existe, un représentant
du Médiateur dans chaque administration locale. Il faut aussi
espérer que des moyens matériels en conséquence
lui soient accordés.
Ainsi, un Médiateur
issu de la souveraineté populaire, doté de pouvoirs étendus
et de moyens matériels lui permettant d'être largement
présent dans l'ensemble de notre système administratif,
donnant une large publicité à son action (transparence),
un tel Médiateur peut devenir une pierre angulaire dans l'édification
ne reste pas une initiative isolée.
Car aujourd'hui,
pour édifier notre système d'intégrité,
nous avons aussi besoin, et de manière urgente, que soient entreprises
des actions pour que les institutions déjà existantes
connaissent les réformes et les bouleversements qui leur permettront
de prévenir les abus, ou, pour certaines, de jouer leur rôle
de défense des gens face aux abus
.
Et puisqu'il
s'agit de créer aujourd'hui des instances nouvelles qui permettront
d'aller de l'avant dans l'édification de la citoyenneté,
il en manque toujours une, qui sera le chef d'orchestre des réformes
et des bouleversements nécessaires au sein des institutions existantes
: l'agence nationale de prévention et de lutte contre la corruption.
Nota : Ce qui
précède ne saurait être considéré
comme une analyse de textes qui, pour le moment, sont en chantier, inaccessibles,
et suscitent - selon la presse - des débats de cabinets qui gagneraient
à être publics. L'accès à l'information produite
par les instances étatiques - droit humain fondamental - est
en effet un levier puissant de la démocratie en général,
et de lutte contre la corruption en particulier. Pour ce projet de texte
de loi, comme pour d'autres (lois sur les libertés publiques,
loi électorale
.), un débat ouvert permettrait au
public de mieux saisir les enjeux des différentes options envisagées,
et aux associations citoyennes de défendre, là comme ailleurs,
leurs positions sur une base concrète.
S. ASSIDON
LA CORRUPTION,
NEGATION DES DROITS HUMAINS
Le Maroc est
l'un des pays où la corruption produit des ravages. On ne renchérit
plus sur des propos si on affirme que ce fléau a envahi tant
le secteur public que le secteur privé et s'attaque au citoyen
en quelque lieu où il se trouve.
Aussi, nul doute
que la corruption est la manifestation choquante des déviances
des pouvoirs politique, économiques et culturel exercés
au profit d'intérêts particuliers au détriment de
l'intérêt général.
En pénétrant
le système politico-administratif, elle a par là - même
dépravé les murs politiques et la pratique administrative.
Des délégataires
de prérogatives de la puissance publiques devant assurer la bonne
gestion du denier public ainsi qu'une saine administration de la chose
publique pourvoient plutôt à leur propre enrichissement,
rapidement, facilement et impunément.
La corruption
se joue donc de l'intérêt général et du devoir
civique de gestion intègre. Se déployant à l'opposé
de l'éthique administrative, elle est la violation flagrante
des obligations inhérentes à l'exercice de l'autorité
publique. D'ailleurs le danger s'installe lorsque l'action administrative,
censée agir par vocation dans l'intérêt du citoyen
et de la citoyenneté, s'écarte des valeurs d'intégrité
et de l'éthique professionnelle. Si des conventions et des pactes
internationaux ont consacré les libertés et les droits
fondamentaux de l'homme, la corruption en illustre la transgression.
A cet égard
la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme (DUDH) dispose
dans son article premier que " tous les êtres humains naissent
libres et égaux en dignité et en droits
".
Cette dignité est bafouée et l'inégalité
est sapée lorsque le citoyen se heurte aux manuvres dilatoires
de l'administration qui visent à son extorsion, le contraignant
à verser des redevances indues pour l'obtention d'un droit établi.
Quant à
la transparence qui fait défaut, elles est une des conditions
nécessaires à la lutte contre la corruption. Il en va
de même pour la sanction des corrompus, qui dissuaderait tous
les concussionnaires potentiels.
La transparence
permet au citoyen d'être au fait de la gestion de la chose publique
et même d'y participer comme le prévoit la DUDH dans son
article 21 : " Toute personne a le droit de prendre part à
la direction des affaires publiques de son pays, soit directement, soit
par l'intermédiaire de représentants librement choisis
".
En l'absence
de la transparence et de l'interpellation des responsables, ce droit
est violé car les décideurs n'hésitent alors pas
à falsifier la volonté du peuple - fondement de l'autorité
publique - en abusant des pouvoirs discrétionnaires au mépris
de la règle de droit.
Et bien que
le Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques (PIDCP)
garantit au citoyen dans son article 25 le droit à la libre expression
de sa volonté et le libre choix de ses représentants,
la corruption là - aussi confisque ce droit en convertissant
les échéances électorales en ventes aux enchères
des voix.
Sur un autre
plan, la dénonciation des injustices et des exactions de l'Administration
est également une forme de liberté d'expression et d'option
garantie par l'article 19 de la DUDH, mais ce droit est renié
quand des victimes directes ou indirectes de la corruption sont poursuivies,
voire sanctionnées.
C'est ainsi
que la corruption se révèle sous son vrai jour : une forme
de discrimination qui rejette insolemment le principe d'égalité
des chances, considéré à juste titre comme acquis
de l'humanité et de la civilisation. C'est pourquoi toute atteinte
à ce principe est une atteinte aux valeurs de la citoyenneté,
résultante naturelle de l'Etat de droit.
A. Sadki