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LA
LIBERTÉ Numéro
spécial 5
11 janvier 2001
Journal permanent et indépendant
de tous les djiboutiens de l'opposition
Bulletin
de l'A. R. D. H. D
2ème
année
Maj 28/01/01 |
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LIGUE
DJIBOUTIENNE DES DROITS HUMAINS
L.D.D.H
Le Président NOEL ABDI Jean-Paul
SIEGE Q.V. BOULEVARD DE GAULLE
BUR TEL (fax) : (253) 35 78 04
DOM TEL (fax) : (253) 35 80 07
B.P. : 74 - DJIBOUTI - RDD
e-mail : noel_lddh@intnet.dj
https://old.ardhd.org/lddh.htm
NOTE
D'INFORMATION n°1/LDDH/2001 du 27 janvier 2001
Sur
le 34ème Congrès de la FIDH
C'est le temps
du rassemblement d'hommes et de femmes, de tous les pays, forts de leurs
convictions et de leur expérience parfois douloureuses, réunis
par leur croyance commune en la dignité de l'être humain,
de tous les êtres humains.
Le 34ème
Congrès de la Fédération Internationale des Droits
de l'Homme (FIDH) s'est déroulé à Casablanca (Maroc)
du 10 au 14 janvier 2001.
L'ordre du jour
a essentiellement porté sur :
1°) Rapports
d'activités des trois dernières années.
2°) Admissions définitives et radiations
3°) Réforme
des Statuts
4°)
Elections des membres du Bureau International.
5°) Examen
des projets de résolutions
C'est surtout
dans le cadre de la mondialisation et exclusions que le Forum a eu lieu
juste après l'ouverture de la séance solennelle, avec
ses quatre ateliers, où les discussions de fond se sont échangées.
Atelier 1 :
Mondialisation et exclusions économiques et sociales
Atelier 2 : Exclusions,
racisme et pluralisme culturel
Atelier 3 : Exclusions
et droit des femme
Atelier
4 : Justice et exclusions
Le rôle
et les stratégies des Organismes Non Gouvernementaux (ONG) dans
la lutte contre l'impunité ont été décortiqués
dans l'Atelier IV de ce séminaire régional sur la Justice
internationale.
En effet dans
le cadre de la justice internationale et avant le Congrès de
la FIDH, des Ateliers régionaux se sont penchés , du 5
au 8 janvier 2001 à Casablanca, sur les points suivants :
1°) Aperçu
sur la Justice Internationale,
2°) Les Conventions Internationales
3°)
La juridiction Universelle et le Groupe Légal d'Action de la
FIDH.
4°) Le Tribunal
Pénal International pour la Yougoslavie,
5°) Le Tribunal
Pénal International pour le Rwanda,
6°) Les cas de : - Augusto Pinochet - Hissené Habre - Ely
Ould - Ricardo Miguel Cavelo
7°)
La Cour Pénal Internationale.
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Engagements
de la Ligue
Djiboutienne des Droits Humains (LDDH)
La Ligue Djiboutienne des Droits Humains (LDDH) se félicite de
son admission définitive comme membre affilié correspondant
de la FIDH et elle tient à remercier d'une manière solennelle
tous les membres de la FIDH, qui, sans exception, l'ont acceptée
et accueillie, dans leur sein.
La LDDH considère
cette affiliation comme un encouragement à continuer et à
redoubler ses efforts et son combat légitime en République
de Djibouti :
a) Pour le respect, la protection et la promotion des Droits de l'Homme,
b)
Pour l'instauration d'un réel Etat de Droit
c)
Pour une Justice totalement indépendante
d)
Pour un développement économique, social et culturel dans
la transparence, la bonne gouvernance, guidé par la justice sociale
et le respect de l'autre sans distinction de race, d'ethnie, de tribu,
de religion et de sexe
e)
pour éradiquer toutes les formes de l'impunité.
L'ensemble des travaux
de ces quatre ateliers sont étroitement liés l'un à
l'autre.
Il nous est
difficile de vous reproduire, tous les documents sur ces travaux, qui
sont énormément intéressants, nous vous présentons
nos excuses. Néanmoins, nous reproduisons à votre attention
les documents qui reflètent à notre avis des points forts.
En marge des
travaux du 34ème Congrès, des contacts et des échanges
d'informations ont eu lieu avec différentes personnalités,
en particulier avec l'Observatoire des Défenseurs des Droits
de l'Homme.
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Sommaire
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Discours
de Patrik Baudouin
Lors
de la séance inaugurale
Le congrès de la FIDH, c'est le
moment le plus beau,
le plus fort de la vie de la FIDH.
Certes, en première
analyse un aperçu de la situation dramatique des droits de l'homme
dans de nombreux pays du monde peut inciter au pessimisme.
Sans dresser
bien sûr de liste exhaustive, comment ne pas penser au continent
africain, trop souvent délaissé et pourtant touché
par tant de crises et conflits, massacres et exactions en tous genres
: Liberia, Sierra Leone, Guinée Bissau, Côte d'Ivoire,
Angola, Mozambique, Soudan, Somalie, et Région des Grands Lacs
avec République Démocratique du Congo, Burundi, Rwanda
.
?
Comment ne pas
évoquer la Colombie, où l'armée, les forces paramilitaires
et les groupes extrémistes rivalisent dans les atrocités
et les exterminations ?
Comment oublier
les femmes afghanes victimes du régime des talibants, le travail
forcé et l'exploitation des enfants en Birmanie - et hélas
dans bien d'autres pays, le carcan maintenu en Chine où l'ouverture
économique n'a eu pour corollaire que la fermeture politique,
la persistance d'affrontements entre cinghalais et tamouls au Sri Lanka,
le maintien de graves violations des libertés en Iran ?
Comment ne pas
s'indigner de l'assourdissant silence qui entoure la sordide répression
des tchétchènes par les troupes russes, motif pris que
Monsieur Poutine est à la tête d'un Etat plus puissant
que Monsieur Milosevic et que la Tchétchénie ne saurait
dès lors être traitée comme le Kosovo - illustration
du deux poids deux mesures ?
Comment ne pas
s'élever à nouveau contre un embargo dévastateur
et hypocrite sur l'Irak qui, contrairement à l'objectif affiché,
n'a nullement ébranlé le régime de Saddam Hussein,
mais a multiplié les souffrances de la population en ajoutant
à la dictature et à l'impunité des dirigeants le
poids d'insupportables privations ?
Comment ne pas
s'émouvoir devant l'absence de solution à la tragédie
que connaît depuis 9 années l'Algérie où
la comptabilité macabre s'est enrichie au cours de l'année
2000 de 9000 nouvelles victimes assassinées ? Sur cette terre
martyre, qui a eu à subir 132 ans durant une colonisation impitoyable,
des dizaines et des dizaines de milliers de morts sont tombés,
victimes de la terreur terroriste et des exactions des forces de sécurité
et des groupes de civils armés par l'Etat.
Confrontés
à cette situation tragique et inédite, les militants algériens
et les familles des victimes ont lutté sans relâche pour
que cesse le règne de l'opacité et de l'impunité.
Ils ont ainsi illustré de manière exemplaire l'universalité
des droits de l'Homme, en dénonçant de la manière
la plus claire le terrorisme des groupes armés et en s'élevant
de manière tout aussi ferme contre les violations des droits
les plus élémentaires par l'Etat. Mais aussi en explorant
sans cesse toutes les voies d'une solution politique et pacifique, une
solution qui passe par l'abandon, par les groupes terroristes de la
lutte armée, et le strict respect par l'Etat, de toutes ses obligations
internationales, et notamment le droit à la vie et à la
sécurité. Une solution qui exige que tous les courants
de pensée, y compris ceux issus de l'islam politique, puissent
confronter pacifiquement leurs projets.
Une réponse
efficace et durable au développement de tout intégrisme
consiste non pas à s'en servir comme prétexte pour museler
les libertés et faire taire les voix dissidentes de l'opposition
démocratique, mais à s'attaquer aux causes elles-mêmes
dans un cadre légal en se basant sur le respect du droit, de
tous les droits : droit à la vie et à la sécurité,
et également droits économiques et sociaux, lutte contre
la corruption, droits civils et politiques.
Cette ligne,
maintenue par tous les défenseurs algériens des droits
de l'Homme, et réaffirmée ici, à Casablanca même,
lors du Premier congrès arabe des droits de l'Homme, n'est pas
valable qu'en Algérie. Elle vaut pour tous les pays de culture
musulmane. C'est aussi la voie que nous avons soutenue à la FIDH.
Mais que l'on
ne s'y trompe pas. Notre volonté de lutter en faveur de tous
les droits de l'Homme n'attend pas que l'extrême de l'horreur
soit atteint pour se manifester.
Si les droits
de l'Homme ont à prendre en charge la diversité des cultures,
ils ne sauraient constituer un libre service où chacun pourrait
faire son marché. Les droits de l'Homme ne supportent ni la théorie
des climats ni d'être instrumentalisés.
Chaque atteinte
à la liberté de conscience, chaque atteinte à la
liberté de pensée et de création portent en elles
les germes du pire.
Ici, là,
ailleurs, nous sommes et nous serons aux côtés de ceux
qui veulent vivre, penser et créer en toute liberté. C'est
plus qu'un devoir, c'est un impératif.
Comment ne pas
s'indigner enfin de la question la plus brûlante et la plus préoccupante
aujourd'hui : je veux parler du sort scandaleux du peuple palestinien
victime à la fois de l'oppression des autorités israéliennes
et de la passivité complice de la communauté internationale
?
Il importe de
rappeler quelques évidences et de réaffirmer quelques
principes de base, en un mot de dire le droit des palestiniens au Droit.
Il est temps
de dire que si Israël, ainsi que l'affirment des hommes et femmes
des organisations israéliennes des droits de l'homme et de mouvements
de la paix, doit être traité comme n'importe quel Etat
de la communauté des nations et qu'en conséquence il n'a
ni plus de droits ni moins d'obligations.
Oui, l'occupation
des territoires palestiniens et syriens, conquis en 1967, est illégale
au regard du droit international et des résolutions des Nations
Unies.
Oui, les colonies
sont illégales et le mépris du droit international est
encore plus manifeste lorsque des dizaines de nouvelles colonies sont
créées depuis les accords d'Oslo, et que des centaines
d'autres, plus anciennes, étendent de jour en jour leur superficie.
Oui, les arabes
israéliens vivent, depuis les assassinats de Nazareh, dans une
peur qui s'ajoute à la discrimination et au rejet qu'ils connaissent
depuis 50 ans.
Oui, depuis
un demi-siècle, des centaines de milliers de réfugiés
palestiniens vivent dans les pays environnants une situation indigne
: le droit de ces réfugiées au retour et à une
indemnisation juste sont des droits humains imprescriptibles.
Il faut cesser
de tourner en ridicule la légalité internationale à
géométrie variable.
Il est temps
de clamer le refus d'une hiérarchie insidieuse entre victimes,
et de cette même hiérarchie entre bourreaux ; entre des
victimes dignes de la solidarité internationale d'autres interdites
de résistance à l'oppression : entre des Etats qui échapperaient
à l'indignation, même morale, et d'autres qui suscitent,
à juste titre, lorsqu'il y a population en danger d'extermination,
la mobilisation armée de la communauté internationale.
Oui, tout doit
être mis en uvre pour l'entrée dans les faits d'un
droit des palestiniens au Droit, à commencer par leur droit à
l'autodétermination et à l'existence enfin d'un Etat.
On ne peut qu'être
très déçu à cet égard, tout en l'incitant
à se ressaisir, de la coupable inaction de l'Union Européenne
qui a préféré d'effacer devant les Etats Unis dont
le rôle d'arbitre n'est pourtant qu'un leurre compte tenu de l'étroitesse
de leurs liens avec Israël.
Les Etats Unis,
il est vrai, ne constituent certes pas un modèle, contrairement
à leur ambition affichée de se poser en champion de la
démocratie de des droits de l'homme, qu'on en juge tant par leur
comportement hégémonique au plan international - qui les
conduit à refuser, pour des motifs peu glorieux, la ratification
de nombreuses conventions protectrices des droits humains - ou qu'on
en juge par les injustices et inégalités criantes - de
la peine de mort aux discriminations multiples et à l'extrême
pauvreté - dont sont victimes de nombreux ressortissants américains.
Il y a là
une illustration parmi bien d'autres - que l'on songe par exemple à
la situation des étrangers dans beaucoup de pays occidentaux
dont la France - de la nécessité de poursuivre le combat
pour la défense des droits de l'homme dans tous les pays, du
Nord comme du Sud.
Ce combat, il
est essentiel de le rappeler, porte sur les droits de l'homme universels
et indivisibles tels que définis par la Déclaration Universelle
des Droits de l'Homme de 1948 dont les objectifs ambitieux demeurent
toujours d'actualité.
L'universalité
des droits de l'homme, périodiquement remise en cause par ceux-là
mêmes que l'application de ces droits dérange, doit être
constamment réaffirmée et défendue, tout en soulignant
que l'universalité ce n'est pas l'uniformité, mais c'est
aussi bien au contraire la reconnaissance du droit à la diversité
et au pluralisme au travers de l'ensemble des libertés proclamées.
Les meilleurs
témoins et garants de cette universalité sont les défenseurs
des droits de l'homme eux - mêmes, à savoir ces hommes
et ces femmes qui, dans tous les pays du monde, réclament précisément
l'application des droits dont ils sont trop souvent privés.
On ne peut que
se féliciter ici de ce formidable développement du mouvement
des droits de l'homme durant les dix dernières années
avec la création de nombreuses associations indépendantes,
en particulier dans les pays d'Afrique et du monde arabe où leur
existence constitue souvent le seul contrepoids à des régimes
autoritaires.
Cette action
des défenseurs des droits de l'homme se heurte toutefois à
de fortes résistances et à des mesures de harcèlement,
voire de répression systématique, de la part des pouvoirs
en place, nécessitant la mise en uvre de mécanismes
de protection à laquelle s'est particulièrement attachée
la FIDH.
L'adoption le
9 décembre 1998 par l'Assemblée générale
des Nations Unies d'une Déclaration sur la protection des défenseurs
des droits de l'homme, puis plus récemment la création
d'un poste de Représentant spécial du Secrétaire
Général de l'ONU - d'ailleurs avec le soutien actif du
Maroc - constituent sur ce point deux avancées notables.
L'indivisibilité
des droits de l'homme, c'est essentiellement le rappel de l'égale
importance, aux côtés des droits civils et politiques,
des droits économiques, sociaux et culturels.
Ce n'est ni
au Pentagone ni à Wall Street, ni dans aucune bourse du monde,
que se construira un univers meilleur.
Le monde est
traversé de part en part par des inégalités sociales
et économiques qui font chaques années beaucoup plus de
victimes que les conflits armés : inégalités entre
peuples, inégalités entre hommes et femmes, inégalités
entres des nantis, peu nombreux, et des sans droits qui se comptent
par centaines de millions.
Sait-on par
exemple que les 200 personnes les plus riches de la planète ont
à elles seules des ressources supérieures aux deux milliards
d'être humains les plus pauvres de la planète ? N'est-ce
pas proprement révoltant ? Comment agir pour remédier
à pareil scandale ?
Face à
ce fossé et à ces déséquilibres, que risque
d'accroître encore une mondialisation économique conquérante,
des solutions existent. Restent à mobiliser les volontés
politiques. Il est ainsi indispensable de contrecarrer les excès
de la toute puissance des multinationales, ou d'exercer un meilleur
contrôle sur les modalités d'attribution de l'aide, en
particulier sur les conditions d'octroi des fonds par les institutions
financières (FMI, Banque Mondiale).
De même,
nombreuses sont les expériences démontrant la nécessité
d'une évolution conjointe, pour un véritable mieux être
des populations, de la démocratie et du développement.
Des opportunités
existent, par exemple au niveau d'une meilleure utilisation des accords
de coopération économiques conclus entre Etats du Sud
et Union Européenne soumis, de manière satisfaisante dans
le principe, et avec instauration de mécanismes de suivi, à
une sorte de conditionalitée réciproque de respect des
normes universelles en matière de droits de l'homme.
De nouveaux
chantiers méritent d'être investis dans ce domaine par
les ONG qui ont longtemps privilégié la défense
des libertés et qui doivent, sans délaisser ce terrain,
faire de la lutte contre les inégalités une priorité.
C'est ce qui
guide l'action de la FIDH depuis quelques années, et c'est pourquoi
son 34ème Congrès va s'ouvrir par un Forum sur le thème
" Mondialisation et Exclusions " à l'issue duquel seront
définies des pistes d'actions pour les années à
venir. Seront ainsi explorés certains des facteurs générateurs
d'exclusion (impact de la libéralisation régionale ou
internationale des échanges), ainsi que quelques unes des problématiques
économiques et sociales qui y sont associées (pauvreté
et conflits, la question des migrations), ou encore la situation de
groupes particulièrement exposés : les minorités,
les peuples autochtones, les enfants et singulièrement les femmes
qui représentent la majorité de la population mondiale
mais dont les droits sont encore le plus souvent largement ignorés.
Or la question
du rapport hommes - femmes est d'autant plus essentiel qu'elle ne se
pose pas seulement en terme d'égalité. La revendication
d'égalité des femmes porte en elle la possibilité
de briser les carcans et d'élargir le champ de tous les droits
de l'homme. C'est la société toute entière qui
en bénéficie.
Sur tous ces
terrains de lutte pour l'ensemble des droits, des résultats ont
commencé à être obtenus. Ainsi en va-t-il de l'amélioration
de la situation des droits de l'homme dans certains pays d'Amérique
Latine, ou d'Europe de l'Est, en Afrique du Sud avec la fin de l'apartheid,
et encore de la prise en compte de plus en plus présente des
droits de l'homme au niveau de la vie internationale, y compris les
accords économiques et financiers, lors de grandes conférences
comme à Seattle (OMC) avec la montée en puissance des
mouvements civiques, de producteurs et de consommateurs.
Ainsi et heureusement,
des succès sont obtenus et il existe donc des motifs d'optimisme.
Plus largement,
l'aspect positif des dernières années réside sans
doute dans l'émergence d'une conscience de la responsabilité
- prenant davantage en compte la responsabilité pénale
individuelle - qui s'est traduite notamment par le développement
de la justice internationale avec la création de la Cour Pénale
Internationale à Rome en juillet 1998 et quelques poursuites
spectaculaires déclenchées contre d'anciens dictateurs
comme Augusto PINOCHET ou Hissène HABRE au titre de l'application
d'un principe de compétence universelle.
Un progrès
formidable a déjà été accompli dès
lors que les dirigeants des régimes dictatoriaux ne se sentent
plus complètement à l'abri des poursuites de la justice.
C'est là
sans doute le début de la fin du règne de l'impunité
et de l'irresponsabilité, en particulier pour ceux auxquels les
plus hautes charges doivent aussi conférer les plus grands devoirs.
Responsabilité
de tous les acteurs impliqués au niveau des crimes les plus graves,
y compris économiques : tel est aussi le sens du combat auquel
vont s'atteler les militants des droits de l'homme pour le troisième
millénaire.
Mesdames
et Messieurs,
Puisque notre
Congrès se tient au Maroc et que cette séance inaugurale
a lieu en présence de hauts responsables politiques marocains,
dont Monsieur le Premier Ministre, après audition d'un message
de sa Majesté le Roi, je ne saurais enfin terminer la présente
intervention sans évoquer la situation dans ce pays.
Nous ne sommes
plus au temps des années de plomb où, souvenez-vous, les
organisations de défense des droits de l'homme étaient
vilipendées pour leurs " mensonges déstabilisateurs
" lorsqu'elles osaient parler de l'existence de disparus, ou encore
de détenus du bagne de Tazmamart.
Si nous avions
décidé voilà un an de la tenue au Maroc de ce Congrès,
c'est que nous avions salué et encouragé le processus
de transition engagé, et pris acte de la volonté de procéder
à de profondes réformes en vue de l'instauration d'un
Etat de Droit, pleinement respectueux des droits de l'homme.
Mais précisément,
ayant apprécié les gestes significatifs accomplis, nous
pensons légitime aujourd'hui de faire part, dans le cadre du
dialogue critique et espéré constructif auquel nous sommes
attachés, de nos sérieuses inquiétudes devant non
seulement un blocage du processus, mais même quelques signes inquiétants
de régression.
Ainsi en va-t-il
de l'interdiction, et de la répression violente avec l'utilisation
de moyens policiers disproportionnés, d'un rassemblement de militants
de l'AMDH, et d'une manifestation d'islamistes au moment de la commémoration
du 52ème Anniversaire de la Déclaration Universelle des
Droits de l'Homme dont ironie du sort l'un des articles garantit la
liberté de manifester.
Ainsi en va-t-il
encore de sérieux atteintes portées à la liberté
de la presse : renvoi du correspondant de l'AFP dont les dépêches
ont été considérées comme politiquement
incorrectes, garde à vue de journalistes de FR3 qui a occulté
la particulière opportunité de la cérémonie
du souvenir à Tazmamart, interdiction de trois hebdomadaires
dont la tonalité critique a été assimilée
à une tentative de déstabilisation des institutions marocaines.
Nulle part au
monde, et vous le savez bien vous-même, Monsieur le Premier Ministre,
pour en avoir été dans le passé victime, de telles
restrictions au droit d'expression des journalistes ne constituent un
élément positif pour le régime politique en place.
Sans liberté de blâmer, il n'est pas d'éloge flatteur,
disait Beaumarchais. Plus précisément seule la liberté
de la presse constitue la garantie de la crédibilité de
l'information. Si la liberté, comme les autorités marocaines
se plaisent aujourd'hui à le dire, n'est pas la licence, l'interdiction
d'un journal d'opinion est quelque par la négation de la liberté
alors qu'il existe d'autres moyens légaux et légitimes
de se défendre en cas d'excès de la presse, par voie tout
simplement de réplique ou même s'il y a lieu d'action en
diffamation.
La mesure d'interdiction
de trois journaux ici au Maroc revêt en tout cas une charge symbolique
forte qui a inutilement terni l'image du pays à l'étranger,
et jeté le doute sur la volonté réelle de mener
l'évolution démocratique à son terme. Si les mots
ont leur importance, seuls comptent en définitive les actes.
Fort heureusement d'ailleurs, car dans le cas contraire un autre pays
du Mahgreb, la Tunisie, serait considéré au seul niveau
du discours comme le champion des droits de l'homme alors que toute
velléité d'opposition démocratique y est étouffée
et que les militants de la liberté y sont embastillés,
comme encore récemment le professeur Marzouki et l'avocat Hosni,
ou sont contraints à l'exil comme Chamari et Jendoubi.
Aussi, il nous
paraît que le pouvoir marocain sortirait grandi en redonnant,
sans condition et sans délai, la possibilité aux trois
hebdomadaires interdits d'être à nouveau publiés.
D'autres préoccupations
doivent aussi être évoquées.
Il s'agit d'abord
de la question des disparus pour laquelle le dossier ne saurait être
considéré comme clos tant que n'auront pas été
répertoriés et solutionnés de manière équitable,
dans l'indépendance et la transparence, les cas de tous les disparus.
Je pense ici
bien sûr également aux disparus et détenus sahrouis,
de même qu'aux prisonniers marocains de Tindouf.
Pour ce qui est
du Sahara occidental, la FIDH ne peut que réaffirmer son attachement
au processus d'autodétermination, en application du principe
du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes dont le Maroc
a lui - même à juste titre revendiqué l'usage à
une certaine période de son Histoire. La FIDH invite les autorités
marocaines à faire preuve du maximum de bonne volonté
pour permettre l'intervention désormais prochaine du référendum
prévu dans le cadre du processus initié sous l'égide
des Nations Unies.
Il y a la question
des droits des femmes, qui demeure soumise à de nombreuses discriminations,
et pour lesquelles les avancées indispensables tardent à
rentrer dans les textes comme dans les faits - la réforme du
statut personnel semblant être au point mort.
Il y a l'élaboration
en cours d'un Code des libertés publiques longtemps attendu,
mais dont certaines des dispositions divulguées suscitent déjà
des appréhensions.
Il y a évidemment
l'énorme chantier économique et social - chômage,
niveau de vie, éducation, santé, lutte contre la corruption
- pour lequel les promesses doivent être suivies d'effets, sous
peine de susciter de légitimes impatiences.
Chers
Amis,
Le congrès
de la FIDH c'est le moment le plus beau, le plus fort de la vie de la
FIDH.
C'est le temps
du rassemblement d'hommes et de femmes, de tous les pays, forts de leurs
convictions et de leur expérience parfois douloureuses, réunis
par leur croyance commune en la dignité de l'être humain,
de tous les êtres humains.
C'est l'occasion
de puiser une énergie nouvelle pour dire non à l'injustice
et à l'inégalité, à la guerre et à
la mort, à la haine et au rejet.
C'est la certitude
de l'efficience d'un mouvement universel basé sur la solidarité
des défenseurs de droits universels.
Avec vous, grâce
à votre courage, nous voulons construire un monde plus juste.
Je sais que nous ne relâcherons pas, que vous ne relâcherez
pas l'effort devant ce noble combat jamais achevé.
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Résultats
des élections du 34ème Congrès de la FIDH
10-14 janvier 2001 - Casablanca - Maroc
Président
Sidiki Kaba (Sénégal)
Trésorier
Philippe Vallet (France)
Vice-Présidents
Akin Birdal (Turquie)
Raji Sourani (Palestine)
Karim Lahidji (Iran)
Lucie Lemonde (Canada - Québec)
Hafez Habu Saada (Egypte)
Francisco Soberon Galido (Pérou)
Dobian Assingar (Tchad)
Cheik Saad Bouh Kamara (Mauritanie)
Vilma Nunez de Escorcia (Nicaragua)
Thierno Sow (Guinée)
Sioabhan Ni Chulachain (Irlande)
Alirio Uribe (Colombie)
Michel Tubiana (France)
Jose Rebello (Portugal)
Vo Van Ai (Viet-Nam)
Secrétaires généraux
François-Xavier Nsanzuwera (Rwanda)
Cathérine Choquet (France)
Anne-Christine Habbard (France)
Driss El Yazami (France)
Claude Katz (France)
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Discours
de M. Sidiki Kaba
A
l'occasion de son élection à la tête de la FIDH
comme Président
Chers amis,
Vous comprenez
aisément mon émotion, que je ne chercherai point à
dissimuler. Vous venez de me faire l'honneur et la confiance de m'élire
pour un mandat de trois ans pour présider aux destinées
de notre prestigieuse organisation.
Votre choix
me comble de joie et de fierté. Ce choix, je le ressens avec
l'humilité et responsabilité, je le perçois comme
un vibrant hommage à tous les défenseurs des droits de
l'Homme, notamment à ceux du Sud qui se battent quotidiennement
au prix de leur liberté, de leur sécurité et parfois
même de leur vie, face, souvent, à des pouvoirs qui s'exercent
par la terreur et le meurtre.
C'est d'abord
aux victimes hélas nombreuses partout dans le monde auxquelles
vous avez voulu exprimer votre solidarité et dont vous avez voulu
saluer le courage. Une pensée pieuse s'adresse à celles
d'entre elles qui nous ont quitté, pour avoir lutté, leur
vie durant, pour leurs convictions.
Vous avez voulu
exprimer aussi votre solidarité envers tous ceux qui n'ont pas
pu nous rejoindre ici du fait de tracasseries administratives et policières.
Nous pensons
à tous ceux qui sont arbitrairement détenus, qui grelottent
de froid dans les froids cahots dont les soupirs étouffés
tambourinent à nos oreilles.
Nous pensons
à Raji Sourani, qui n'a pas pu nous rejoindre et qui nous a livré
un message poignant sur la situation des droits de l'Homme dans les
Territoires occupés. Je veux dire en Palestine, dans une terre
meurtrie, où les familles endeuillées enterrent chaque
jour leur mort. Une terre où les jeunes adolescents, armés
de leur seul courage et de pierres, se battent pour la création
d'un Etat, aspiration fondamentale du peuple palestinien.
Votre choix
enfin, c'est un hommage à toutes les populations du Sud qui luttent
courageusement contre un ordre économique international injuste
les cantonnant dans une situation d'extrême pauvreté et
d'extrême précarité de leur existence.
Je voudrais,
pour toutes ces raisons, vous remercier très sincèrement.
Je voudrais également vous assurer que je m'engagerai avec responsabilité
et disponibilité pour la réalisation de nos objectifs
communs. Je voudrais vous assurer que j'occuperai pleinement mon fauteuil.
Je serai à Paris et je ne consacrerai avec détermination
à la mission que vous m'avez confiée.
Je voudrais
également remercier le peuple et les autorités marocaines
pour l'accueil chaleureux qu'ils nous ont réservé, ainsi
que l'OMDH et l'AMDH qui ont largement contribué au succès
de ce Congrès.
Mais je voudrais
en mon nom personnel et en votre nom à tous remercier, du fond
du cur Patrick Baudouin qui a volontairement décidé
de ne pas se présenter pour un troisième mandat. Le travail
accompli pendant ses deux mandats à la tête de la FIDH
est remarquable. Avec lui, la FIDH a acquis une crédibilité
jamais égalée, son internationalisation s'est accentuée,
son prestige s'est considérablement accru, ainsi que sa capacité
d'influence. Je voudrais donc saluer l'engagement militant de Patrick
Baudouin, qui n'a ménagé aucun effort durant toutes ces
années au service de notre cause et de celles de la FIDH. Son
intelligence, sa qualité d'écoute ont forcé mon
admiration et il m'honore d'une immense amitié qui me touche
profondément.
Son expertise,
son expérience et sa maîtrise des dossiers sont reconnues
de tous. C'est pourquoi j'espère vivement que Patrick Baudouin
restera parmi nous. Je propose à cet égard qu'il soit
élu Président d'honneur de la FIDH. Si cette proposition
vous agrée je vous demande par acclamation et debout de la confirmer.
Je voudrais
également remercier le Secrétariat international de la
FIDH qui abat au jour le jour un travail considérable, avec une
grande efficacité. Je voudrais notamment saluer Antoine Bernard,
directeur exécutif de la FIDH, qui a largement contribué
à la mise en place d'une administration et d'une équipe
qu'il anime avec une grande compétence et un sens organisationnel
remarquable. Antoine s'investit déjà depuis 10 ans avec
dévouement, expertise et générosité au Secrétariat
International de la FIDH. Il a apporté une contribution décisive
aux succès enregistrés par notre organisation. Je voudrais
également saluer Juiliane, Emmanuelle, Sara, Marie, Jeanne, Catherine,
Isabelle, Gaël et tous les autres
.. Je compte beaucoup sur
cette équipe dynamique pour atteindre nos objectifs.
Nous abordons
le troisième millénaire. La nouvelle aventure pour notre
organisation commence ici au Maroc. Le 20ème siècle que
nous venons de laisser derrière nous a été, malgré
les avancées significatives dans le domaine de la décolonisation,
du processus juridique d'universalisation des droits de l'Homme, du
développement économique technique et technologique, considéré
comme un siècle sanglant et meurtrier qui a enregistré
le génocide arménien, juif, cambodgien et rwandais. Ce
siècle a compté deux grandes boucheries (la première
et la deuxième guerre mondiale) qui ont éclaté
en Europe et qui ont occasionné des millions de morts au nom
d'une funeste théorie de la supériorité raciale.
Nous avons encore
en mémoire les guerres coloniales qui ont ravagé l'Asie,
le Vietnam, la Corée, l'Algérie ou le Mozambique, qui
ont aussi occasionné des violations massives et systématiques
des droits de l'Homme. Nous avons en mémoire les dictatures militaires
féroces d'Amérique latine (Argentine, Brésil, Mexique,
Paraguay, Bolivie, Uruguay,
) qui se sont soldées également
par des exécutions sommaires et extrajudiciaires, des disparitions
forcées,.
Les conflits
qui ensanglantent l'Afrique alors qu'elle s'est à peine arrachée
du joug de la colonisation, a plongé dans la violence la plus
aveugle laissant souvent en déshérence les droits de l'Homme.
Les guerres civiles ethnique tribales, religieuses et frontalières
ont entraîné des massacres, des déplacements de
populations, ont déstructuré des société
entières. Je pense à la Somalie, à l'Ethiopie,
à la RDC, à l'Angola, au Libéria, à la Sierra
Leone, au Soudan
.
Et pourtant,
l'espoir était énorme lorsque le 10 décembre 1948,
l'Assemblée générale des Nations unies a adopté
à Paris au Palais de Chaillot cet instrument majeur qu'est la
Déclaration universelle des droits de l'Homme, dont l'humanité
s'était doté pour marquer son adhésion solennelle
aux principes philosophiques, moraux et juridiques des droits de l'Homme.
Les mêmes
causes produisant les mêmes effets la méconnaissance et
le mépris des droits de l'Homme continuent d'être à
la base " des actes de barbarie qui révoltent la conscience
de l'humanité ", renvoyant ainsi à une date encore
plus lointaine " l'avènement d'un monde où les êtres
humains seront libres de parler, libérés de la terreur
et de la misère ".
La misère
et la terreur sont évidemment attentatoires à la dignité
humaine. C'est pourquoi nous avons tenté à travers nos
organisations d'apporter des solutions sous l'angle qui nous intéresse.
La FIDH s'y investit depuis 1922. Elle a développé une
panoplie d'actions qui vont de la dénonciation à l'enquête,
de l'éducation à l'observation judiciaire et électorale,
aux poursuites judiciaires. Avec des succès parfois, avec des
échecs aussi, mais avec cette volonté sans cesse renouvelée
d'être debout pour ne pas laisser le champ libre au crime.
A ces menaces
qui ont pesé et qui continuent de peser sur les droits de l'Homme,
de nouveaux défis aussi complexes et nombreux s'imposent à
nous et qui appellent de notre part une nouvelle démarche et
la rationalisation de nos modes d'intervention. Comment faire face à
la question de l'extrême pauvreté qui frappe l'écrasante
majorité des populations du globe ? Comment rendre effectif le
droit au développement en tant que droit individuel et en tant
que droit collectif afin de rendre exigible l'article 22 de la DUDH
qui reconnaît " le droit de toute personne à la sécurité
sociale " et à la " satisfaction des droits économiques,
sociaux et culturels indispensables à sa dignité et au
libre développent de sa personnalité ". On se rend
compte encore que les principes butent toujours sur le réel.
La détresse matérielle et morale dans laquelle vivent
les populations du Sud (qui disposent d'à peine 20 % des revenus
mondiaux) est une menace constante pour la civile et internationale.
Xavier Perez de Cuellar, ancien Secrétaire général
des Nations unies avait déjà tiré la sonnette d'alarme
en disant :
" la paix
à laquelle nous aspirons est plus que l'absence de guerre. Il
faut qu'elle soit synonyme d'une vie digne pour tous. Nous ne pouvons
pas nous attendre à une paix véritable tant que d'innombrables
personnes continueront à avoir faim, à rester sans abris
ou à être victimes de répression ".
Une vie digne
est-elle possible si l'individu ne dispose pas du minimum vital ? Rien
n'est moins évident. C'est pourquoi la coopération internationale
entre pays riche et pauvres et le multilatéralisme doivent favoriser
l'épanouissement de l'individu et la pleine jouissance de tous
ses droits. Or les politiques d'ajustement structurel imposées
par les institutions de Bretton Woods (FMI et Banque mondiale) ont dans
de rares ces stabilisé les budgets des Etats, alors qu'ils ont
le plus souvent dramatiquement déstabilisé les existences
individuelles. Elles ont accentué la précarité
des plus pauvres notamment les femmes et accru la richesse des plus
riches. Ce fossé est source de discrimination et d'exclusions
de toutes sortes en rendant aléatoires le droit à un toit,
le droit à la santé, le droit à l'éducation
et à l'instruction, le droit à un environnement sain,
bref le droit à une vie décente.
Il nous appartient
donc d'agir ensemble pour que les droits économiques sociaux
et culturels combinés avec les droits civils et politiques se
transforment en une réalité effective pour chacun et chacune
d'entre nous. Et qu'ainsi la mondialisation économique cède
la place à la mondialisation du Droit et des droits de l'Homme.
Nous devons
faire preuve de la même détermination dans notre lutte
contre l'impunité en ce que celle-ci constitue une menace pour
l'Etat de droit, une insulte à la mémoire des victimes
et un encouragement aux bourreaux. Dans ce long combat contre l'impunité,
nous pouvons nous réjouir de l'adoption le 17 juillet 1998 du
Statut de Rome portant création d'une Cour pénale internationale
chargée de juger les crimes internationaux les plus graves :
génocides, crimes de guerre et crimes contre l'humanité.
L'adoption de ce Statut consacre une éclatante victoire des défenseurs
des droits de l'Homme.
Mais, ne l'oublions
pas, nous sommes loin, d'être au bout de nos peines. Si le Statut
a été signé par 139 pays, il n'a été
ratifié à ce jour que par 27 Etats. Or 60 ratifications
sont nécessaires pour qu'il entre en vigueur. Il nous faut donc
mobiliser nos forcer et mener une campagne nationale, régionale
et internationale pour la Ratification de ce Statut. Rappelons-nous
de l'extermination des Tutsis et des Hutus modérés au
Rwanda, de l'épuration ethnique en ex-Yougoslavie, du massacre
des indépendantistes au Timor oriental, du conflit actuel en
Tchétchénie. Il est impératif que les auteurs de
tous ces crimes qui ont heurté la conscience universelle soient
poursuivis et que justice soit rendue aux victimes.
Il doit en être
de même des tortionnaires, et de tous ceux qui sont à l'origine
des disparitions forcés de leurs compatriotes. Les tortures morales
et les souffrances cruelles auxquelles ils soumettent une mère
ou un père, une sur ou un frère de victime ne doivent
pas rester impunies au nom de la froide raison d'Etat, qui ne saurait
en aucune façon avoir raison du droit à la Vérité,
du droit à la Justice, du droit à la réparation
des victimes ou de leurs ayants - droit.
Nous pensons
à la poignante question des disparus du Maroc, d'Algérie,
d'Argentine, dont les familles attendent avec une légitime impatience
que justice leur soit rendue. Une véritable réconciliation
est à ce prix car la paix civile est à ce prix.
Bien sûr,
nous avons déjà enregistré quelques victoires :
le procès de l'ex-dictateur chilien Pinochet commencé
en 1998 en Grande Bretagne se poursuit au Chili, celui de l'ancien dictateur
tchadien Hissène Habré est en cours au Sénégal.
Mais la tache qui reste à accomplir est immense et nous devons
absolument poursuivre nos efforts en vue d'une justice internationale
effective.
Par ailleurs,
au sein de nos ligues respectives, nous devons nous mobiliser inlassablement
pour la cause des femmes souvent victimes de toutes formes de violations
de leurs droits (droits politiques, droits économiques) et de
toutes sortes de violences. Nous pensons à toutes ces femmes
du monde arabe qui se battent pour leur statut, et la reconnaissance
de leurs droits les plus élémentaires ; à toutes
ces femmes africaines victimes de mutilations génitales qui portent
de graves atteintes à leur intégrité physique et
à leur droit à la santé, à toutes ces femmes
d'Amérique latine maintenue volontairement dans l'analphabétisme
pour que leurs droits soient mieux bafoués ; à toutes
ces femmes d'Europe de l'Est victimes d'un trafic odieux qui leur ôte
toute dignité. Pour toutes ces raisons, nous devons nous battre
pour que les principales Conventions protectrices des droits des femmes
soient ratifiées par nos Etats respectifs et mis en uvre
de manière effective.
Dans la même
perspective, nous ne devons jamais oublier le sort de tous les enfants
dont les droits sont quotidiennement bafoués. Ils sont des millions,
notamment dans le sud qui n'ont pas accès à l'instruction
ou à l'éducation. Nombre d'entre eux sont condamnés
dès leur naissance à la mort, victimes de malnutrition
ou de la pandémie du SIDA. D'autre encore sont victimes de travail
forcé (en Afghanistan par exemple), d'abus sexuels (notamment
en Asie/Thaïlande, Pakistan
), d'actes de pédophilie,
de trafic, d'esclavage et d'exploitation éhontée. Ils
sont enfin utilisés dans les zones de conflits comme soldats
et commis à des taches inhumaines, souvent sous l'emprise de
la drogue, qui les contraignent à assassiner leurs propres parents
et perpétrer les pires atrocités ; c'est le cas en Sierra
Leone, au Libéria, en RDC et encore dans de nombreux pays. Or
nous avons tous que respecter et faire respecter les droits de l'enfant
c'est préparer un meilleur avenir pour l'humanité.
Dans un autre
domaine, l'avenir de l'humanité se heurte au pouvoir scientifique.
Les progrès fulgurants de la génétique risquent
de bouleverser notre propre humanité même s'ils sont porteurs
d'espoirs sur le plan thérapeutique. Devons-nous accepter le
clonage humain ? Un enfant à la carte dont le code génétique
est préfabriqué et convenable ? Devons-nous rester indifférents
devant la mercantilisation des " services génétiques
" qui risquent inexorablement d'être soumis aux lois du marché
? Comment éviter, en raison de l'égale dignité
de tous les membres de la famille humaine que les progrès de
la biologie et de la génétique (sur le plan thérapeutique)
ne devienne un facteur d'exclusion et de discrimination ? Faut-il s'activer
pour l'adoption d'une Convention internationale en la matière,
en nous fondant sur la Déclaration sur le génome humain
élaboré par l'UNESCO et qui a été adopté
en 1998 par l'Assemblée générale des Nations unies
? Autant de questions qui nous interpellent et auxquelles nous serons
de plus en plus amenés à réfléchir.
De même,
les nouvelles technologies de l'information et de la communication,
bien que constituant une avancée et des avantages significatifs
dans le domaine de la connaissance et sur le plan pratique, appellent
de notre part une réflexion urgente, quant aux excès qu'elles
peuvent engendre au niveau des libertés individuelles. En la
matière, nous serons amenés à réfléchir
aux outils juridiques qui pourront assurer une meilleure protection
de ces libertés individuelles.
Nous réalisons
donc que les nouveaux défis qui s'ajoutent à ceux existants
sont nombreux et complexes. Ils nous appartient donc d'innover et d'être
audacieux pour les relever. Aussi devrons nous nous engager :
- Vers une plus
grande internationalisation de la FIDH (en raison de
l'internationalisation ou de la globalisation des problèmes qui
assaillent
l'humanité). La FIDH doit en effet poursuivre son implantation
dans
toutes les régions du monde (anglophones, arabophones,
hispanophones, lusophones). Sa vocation l'y oblige.
- Vers une plus
grande professionnalisation. Celle-ci signifie que nous
devons mettre l'accent sur la fonction de nos militants, y compris dans
les régions les plus reculées, pour développer
leur expertise et
accroître leur capacité d'action, à la fois au niveau
local, régional et
international. Cela signifie également poursuivre la modernisation
de
notre Secrétariat pour une meilleure qualité de ses services
à nos
ligues.
- Vers une plus
grande démocratisation de nos structures. Cela signifie
que la FIDH doit constituer un espace d'échange, de dialogue
et de
démocratie pour ces membres. A travers ses structures, le Bureau
international, le Bureau exécutif et le Secrétariat international,
le
processus de décision doit être marqué par la transparence
et le débat
démocratique. C'est ce qui me permettra de travailler dans la
collégialité dans le cadre d'une équipe soudée
et cohérente soucieuse
de l'intérêt exclusif de notre organisation.
- Vers la régionalisation,
c'est-à-dire que tout en maintenant la structure
centrale de notre organisation, nous devons favoriser le regroupement
régional de nos ligues pour constituer les bases d'un véritable
contre
pouvoir régional en mesure de se dresser devant la toute puissance
des Etats toujours prompt à nous opposer leur souveraineté.
Notre
message doit mieux être perçu à la base. Il nous
faudra donc mieux
intégrer l'exigence de proximité dans ses démarches.
- Vers l'élargissement
de notre partenariat avec les nouveaux acteurs
des droits de l'Homme et la rationalisation de nos actions pour atteindre
nos objectifs. La FIDH est une organisation généraliste
qui s'occupe transversalement de toutes les questions des droits de
l'Homme. Nous devons associer nos forces avec des ONG qui s'occupent
spécifiquement de certaines questions dont nous nous occupons
de façon générale. Ainsi nous pourrions participer
activement à l'élargissement de la protestation citoyenne.
De Seattle à Nice, en passant par Millau et Davos et en arrivant
à Porto Allegre (Brésil), il y a de nouvelles forces citoyennes
qui s'organisent et qui militent pour une autre mondialisation, celle
des peuples celle qui préserve les droits et la culture de tous,
sans discrimination et sans exclusion. Nous pouvons aussi renforcer
notre partenariat avec les ONG luttant contre la corruption, le racisme,
les formes contemporaines de l'esclavage,
mais également
avec les institutions intergouvernementales, dont les instances financières
et commerciales internationales.
- Vers l'expérience
d'une diplomatie des droits de l'Homme. L'objectif de la paix par les
droits de l'Homme passe nécessairement par le dialogue entre
les belligérants. Nous devons, en raison de notre impartialité,
favoriser le dialogue entre les parties en conflit, nous associer à
leur gestion et à leur résolution. La médiation
doit faire partie de notre panoplie d'action. Elle peut éviter
les désastres d'un conflit qui peut engendre des morts et de
graves violations des droits de l'Homme. Nous devons nous investir ainsi
dans la prévention des conflits en promouvant un programme d'éducation
aux droits de l'Homme en favorisant la diffusion d'une culture de paix
et l'enracinement social de la démocratie. Nous pouvons agir
dans le conflit tragique de l'ex - Zaire, du Burundi et celui du Proche
- Orient, qui perdure depuis 50 ans.
- Vers une plus
grande capacité financière. La FIDH a un prestige qui
est
sans commune mesure avec son poids financier. Nous devons nous donner
les moyens de notre ambition en nous investissant dans la recherche
de nouvelles sources de financement et en développant le mécénat
d'entreprise et les actions événementielles qui impliquent
des artistes, des personnalités du monde sportif,.
, en
adoptant au plan stratégique dont les contours ont été
définis par notre excellent trésorier Philippe Vallet.
Bref, nous pensons
que la FIDH est à un tournant crucial de son existence. Elle
doit pouvoir capitaliser politiquement les nombreuses actions entreprises
durant sa longue et riche expérience déjà vieille
de près de 80 ans. Comment réussir cet énorme défi
? Nous le pourrons si nous ne départissons jamais :
- d'un esprit
de courage. Celui qui refuse l'inacceptable et qui est prêt à
résister avec audace et pugnacité pour vaincre.
- d'un esprit de sacrifice, qui se convainc que sans abnégation
quotidienne on ne peut faire progresser la lutte pour une cause.
- D'un esprit d'utopie, celui qui nous donne la certitude qu'un avenir
porteur d'espérance pour les droits de l'Homme est à notre
portée, ici et maintenant.
C'est cette triple
exigence qui doit nous permettre de rester debout pour combattre les
forteresse de l'intolérance, de la discrimination, de l'exclusion,
et les murailles de l'injustice, de l'arbitraire et de la tyrannie.
C'est grâce à cela que notre capacité d'indignation
face au malheur, au désespoir et à la souffrance d'autrui
sera toujours au rendez-vous de l'action. C'est pourquoi, malgré
des reculades spectaculaire consécutives à des avancées
majeures, nous devons garder espoir, l'espoir qu'une nouvelle culture
des droits de l'Homme basée sur la fraternité et la solidarité
agissante entre les être humains se propagent et s'ancrent plus
fermement un peu partout. Ces racines du sentiment d'humanité
plongent dans une pluralité historique et culturelle et une diversité
géographique qui les préservent de tout assèchement.
Elle nourrissent cette fraternité de l'espoir qui transcende
celle du sang.
Celle qui me
fait découvrir, tolérer et aimer l'autre dans sa différence
linguistique, culturelle et raciale. Celle qui me dévoile l'identité
de l'autre et qui m'apprend humblement qu'elle n'est pas comme le dite
Amin Maalouf " une identité meurtrière ", mais
qu'elle est plutôt une identité complémentaire de
ma singulière identité.
Ne nous voilons
pas la face, il y aura sans doute toujours des dictateurs qui continueront
d'assassiner, d'emprisonner, de torturer, d'exiler et d'affamer leurs
concitoyens. Qu'ils sachent que nous ne nous tairons jamais. L'oppression
ne se nourrit pas du silence comme le disait Mitterrand. Alors qu'ils
sachent qu'ils n'auront plus jamais de répit et qu'ils seront
inlassablement dénoncés, traqués, poursuivis pour
qu'ils se convainquent qu'ils n'ont le monopole d'aucun droit de violence
sur leur peuple et que les droits de l'Homme sont porteurs de valeurs
transculturelles qui surplombent leurs minuscules frontières.
Ils auront déjà appris à leur dépend que
la peur a changé de camp.
C'est au nom
de leur universalité, de leur indépendance, de leur indivisibilité
et de leur indissociabilité, que nous devons sans relâche
exiger le respect universel, pour chacun et chacun de nous, des droits
de l'Homme afin que l'aspiration fondamentale de l'Homme à la
liberté et à la dignité soit une réalité
tangible.
Après
le Tribunal pénal International, j'appelle de tous mes vux
au Tribunal économique international pour juger les auteurs des
crimes économiques les plus graves qui mettent en danger l'humanité.
Je vous ai livré
mon utopie. Mais j'ai la foi ferme et résolue qu'elle sera avec
vous une utopie concrète. N'est-ce pas, je vous remercier de
votre attention.
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Le Maroc
Un souhait pressant
de la FIDH vis à vis des autorités marocaines, qui a été
réitéré avec force lors du séminaire sur
la justice internationale que nous venons de tenir, concerne la demande
de ratification à bref délai du traité de la Cour
Pénale Internationale que le Maroc a signé ce dont nous
nous félicitions, et qui n'entrera en vigueur qu'après
avoir été ratifié par 60 Etats (27 l'ont fait aujourd'hui).
Le Maroc, dans ce domaine comme dans d'autres, pourrait ainsi montrer
au niveau régional un exemple espéré et attendu.
Certes, nous
n'ignorons pas que la tache est immense, et que tout ne peut se faire
du jour au lendemain. Nous connaissons les difficultés et les
résistances rencontrées dans la voie du progrès,
de la construction de l'Etat de Droit et aussi de la réconciliation.
Nous savons que chaque pays doit avancer à son rythme, et apporter
les réponses qui lui sont propres. Mais la confrontation des
expériences à l'échelle internationale oblige aussi
à constater qu'il n'est pas possible de s'accommoder de l'oubli,
qu'à un moment ou à un autre de l'histoire le travail
de mémoire reste à opérer, et que réponse
doit être apportée, ne serait-ce qu'à l'égard
des victimes et de leurs familles, au besoin de vérité
et de justice.
Tout ceci suppose
une concentration réelle et permanente avec toutes les forces
d'une société civile qui témoigne au Maroc d'un
réel dynamisme.
Parmi celles-ci
figurent au premier chef les organisations de défense des droits
de l'homme. Les défenseurs des droits de l'homme ne sont pas
des donneurs de leçons, ils sont eux-mêmes des acteurs
investis dans la vie de la cité ; ils ne sont pas seulement des
sentinelles de la vigilance, mais des aiguillons et des accompagnateurs
des évolutions pour plus de libertés, d'égalité,
de dignité et de solidarité.
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Exclusions
et Justice
Une vision à partir des droits économiques
sociaux et culturels
Le travail préparé par le collectif d'avocats Alvear Restrajo,
de Colombie, préparé par Alirio Viole Munoz, vice - président
de la FIDH sur :
" Il s'agit donc de commencer à déclencher l'alarme
sociale face à cette forme de criminalité, étant
donné que l'opinion publique est conditionnée de telle
manière qu'elle réagit contre celui qui vole un portefeuille
dans la rue ou comment un homicide mais considère dans l'ordre
normal des choses ou des lois du marché le pillage systématique
de nations entières et la condamnation à la faim, à
la maladie et à la mort de millions d'êtres humains "
(Alexjandro
Titelbaum : Droit au développement et droits économiques
sociaux et culturels, criminalisation de leur violation).
INTRODUCTION :
Nous attendons
de ces paroles qu'elles ouvrent une réflexion profonde pour faire
comprendre à ceux qui s'intéressent aux droits de l'homme,
à l'ensemble des citoyens en général qu'il n'y
a pas de droits de l'homme de première, seconde au troisième
catégorie comme cela apparaît généralement
dans les classifications génériques et qu'au contraire
nous avancions dans une conception intégrale dans laquelle tous
les droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels
soient indivisibles et interdépendants et essentiels pour que
soit respectée la dignité humaine.
Il s'agit de
démontrer que les droits économiques sociaux et culturels
de même que le droit au développement sont de véritables
droits puisqu'ils sont rendus positifs dans de nombreux pactes internationaux,
avant même les droits civils et politiques comme le démontre
la création de l'OIT, près de trente ans avant l'ONU,
qu'ils sont exigibles et justifiables sur le plan national et international,
que s'agissant de droits ils sont susceptibles d'être violés,
ce qui implique qu'il existe des victimes de ces violations, comme les
milliers d'enfants qui meurent chaque jour dans le monde par manque
d'alimentation ou de soins médicaux, et qu'il y a des responsables
de ces violations, qu'il est nécessaire d'établir la vérité,
recherche la justice et réparer les préjudices soufferts
par des millions d'hommes et de femmes, réduits à la misère,
qui subissent la violation systématique de ces droits pour, de
cette manière, surmonter l'impunité qui les affecte.
Il faut partir
de la limite objective que constitue l'avance insuffisante dans la systématisation
des droits économiques sociaux et culturels comme droits de l'homme.
Je considère qu'il faut en construire une conception réelle
comme droits afin que l'on ne continue pas à regarder leur violation
comme quelque chose de naturel, de telle sorte que la société
entière, comme elle s'émeut face à la torture ou
aux exécutions extra judiciaires prenne une position éthique
de rejet de la faim, de l'absence de logement, d'éducation, de
santé, de travail, et en général des conditions
infra humaines qui empêchent le développement des personnes
dans la dignité.
Nous ne pouvons
oublier que dans de nombreux pays, les droits civils et politiques sont
violés dans le cadre des luttes pour les droits économiques
sociaux et culturels notamment les droits des travailleurs, la lutte
pour la terre, pour le logement, l'éducation, les services publics,
et l'autonomie des peuples.
Les droits économiques
sociaux et culturels font partie du droit international des droits de
l'homme et il est nécessaire de les rendre visibles et exigibles.
Nous ne pouvons
oublier que la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme
concerne la santé, l'éducation, l'emploi, la sécurité
sociale, de même que la Convention Mondial des Droits Economiques
Sociaux et Culturels, le Protocole de San Salvador, sur le plan américain,
de même que la Convention Européenne Droits de l'Homme
et la Charte Africaine Droits de l'Homme. Cependant malgré ces
avances législatives on continue de voir les Droits Economiques
Sociaux et Culturels comme s'il n'était pas une partie essentielle
du Droit International des Droits de l'Homme.
Pour prendre
comme exemple le droit à alimentation, il s'agit d'un droit qui
se trouve inclus à tout le moins dans les deux instruments suivants
: Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, article 25.1
Pacte International des Droits Economiques Sociaux et Culturels article
11.2 Déclaration des droits de l'Enfant. principe 4, Convention
Internationale sur les Droits de l'Enfant article 27.3, Déclaration
sur le Droit au Développement article 8, Déclarations
sur le Progrès et le Développement en matière sociale
article 10.1 Déclaration Universelle sur l'Eradication de la
Faim et de la Malnutrition, Déclaration sur la Protection de
l'Enfant et de la Femme en situation d'Urgence et de Conflit armé
paragraphe 6, Déclaration de l'Amérique latine pour affronter
le Défi Nutritionnel et Plan d'Action Régional 1992, Code
d'Ethique pour le Commerce International des Aliments, entre autres.
On ne peut nier qu'il s'agisse d'un droit.
Dans le cadre
de l'ONU il existe plusieurs Comités de Supervision relatifs
aux Droits Economiques Sociaux et Culturels, en terme généraux
les facultés des comités sont : enquêter, produire
des conclusions, observations, suggestions et recommandations.
Le Comité
des Droits Economiques Sociaux et Culturels réalise une supervision
général de ces droits. Il existe également des
organes de supervision spécifique : il s'agit d'organismes chargés
de surveiller les droits de groupes sociaux déterminés
: le Comité contre toute forme de discrimination raciale, le
Comité de suivi de la convention sur l'élimination de
toutes les formes de discrimination contre la femme, le Comité
chargé de la Convention des Droits de l'Enfant, enfin le système
de l'OIT pour les droits dans le travail et la liberté syndicale.
La commission
Interaméricaine des Droits de l'Homme est un organisme de supervision
quasi judiciaire, elle veille au respect des obligations établies
par le Pacte de San Jose, en utilisant les rapports généraux
que doivent présenter les états ou les requêtes
individuelles (quasi judiciaire) dont les cas peuvent être étudiés
et définis par la Commission Interaméricaine. En matière
de Droits Economiques Sociaux et Culturels les requêtes individuelles
peuvent être présentées dans les matières
suivantes : liberté d'association syndicale, éducation
et droit à santé (de manière indirecte dans la
mesure où il affecte que le droit à la vie).
Comme on peut
l'observer, il existe des instruments et mécanismes de protection
dans l'espace international des droits de l'Homme qui permettent que
les O.N.G agissent pour l'amélioration de ces droits dans le
pays et l'avancée du développement social. Malgré
leur limitation, ces recours peuvent et doivent être utilisés
pour améliorer les niveaux de bien-être de la population
et pour perfectionner le droit international des droits de l'homme et
son efficience réelle.
Le droit au développement
comme droit de l'Homme peut prendre un contenu garantissant la jouissance
de tous les droits de la population.
Une vision intégrale
de la pauvreté nous la montre comme la carence des droits et
capacités qui ne peut être résolue par la charité
mais en donnant des garanties pour l'exercice des droits, et en considérant
le développement comme l'expansion de la capacité des
personnes. On doit rendre à ce que les dotations matérielles
: alimentation, vêtements, logement, santé, éducation,
transports, loisirs pour lesquels des ressources sont nécessaires,
et que l'état doit garantir si les ressources existent pas et
les dotations aux biens non matériels parmi lesquels : le sentiment
d'appartenance, l'environnement, parmi ceux qui ne peuvent s'acquérir
sur le marché. L'état doit garantir les personnes mettent
en uvre leurs capacités et surmontent ainsi de manière
intégrale et non seulement matérielle la pauvreté.
L'administrateur
du PNUD, Janes Gustave Speth affirmait pendant la conférence
annuelle des O.N.G. le 8 septembre 1993 : " dans certains pays
si le développement a échoué pour ce qui concerne
la garantie de la protection de la sécurité des populations
: sécurité alimentaire, sécurité de l'accès
à l'eau et à la terre, sécurité du travail
et du salaire et souvent sécurité de la survie ".
Dans d'autres
cas les disparités socio-économiques sont si importantes
que " le développement en est arrivé à constituer
une source plus importante de violations des droits de l'homme "
dans la mesure où le développement se soumet aux lois
et aux intérêts du marché.
Les conditions
de la distribution des ressources dans une grande partie du monde en
développement ont empiré. Des pays aussi différents
que le Botswana, la Colombie, le Brésil, le Costa Rica, la Côte
d'Ivoire, la Jamaïque, le Guatemala, la Malaisie, le Panama, la
Pérou, le Sri Lanka, la Thaïlande, et le Venezuela maintiennent
des systèmes économiques où les 20% les plus riches
de la population possèdent plus de 50% du total des revenus des
ménages (et dans certains cas plus de 60%) alors que 20% des
ménages les plus pauvre possèdent autour de 4%.
Entre les états,
la situation est également critique. Le revenu moyen des pays
riches est 58 fois supérieurs à celui des moins avancés.
Vu sous un angle différent, les plus pauvres des pays en développement
rassemblent plus de la moitié de la population mondiale, mais
leurs ressources constituent seulement 5,6% du revenu mondial. L'application
des droits économiques sociaux et culturels est un problème,
non de création de ressources mais d'affectation de ressources,
et, comme tel, un problème politique.
Le défi,
c'est rechercher la justiciabilité des Droits Economiques Sociaux
et Culturels et surmonter l'impunité.
On ne peut atteindre
la paix et libérer les personnes de la peur et de la misère
sans garantir tous les droits de l'homme. L'exigibilité des droits
économiques sociaux et culturels est un processus qui inclut
divers aspects : un premier est l'exigibilité politique des droits
à travers l'organisation sociale des usagers, des consommateurs,
les syndicats, et des paysans qui, par leur mobilisation font pression
sur les politiques publiques pour garantir les droits, également
à travers la participation citoyenne. Ensuite, l'exigibilité
juridique sur le plan national et international, qui consiste à
utiliser les mécaniques juridiques dans ces deux domaines (actions
de tutelles ou de garantie, actions en respect des droits, actions populaires,
actions d'inconstitutionnalité, actions civiques, entre autres,
mécanismes internationaux devant l'ONU, l'OEA, et l'OIT).
La lutte pour
l'exigibilité et la justiciabilité des droits économiques
sociaux et culturels est un des défis du IIIe millénaire.
Il faut s'adresser à la justice internationale et également
réfléchir à des tribunaux internationaux au sujet,
par exemple du paiement de la dette externe qui dans bien des cas affecte
jusqu'à 30,40 ou 50% du budget et des pays pauvres et constitue
un pillage de leurs ressources.
Un des grands
problèmes à résoudre sur le sujet qui nous occupe
est celui de la rédaction comme norme programmatique des instruments
juridiques internationaux qui consacrent les Droits Economiques Sociaux
et Culturels étant donné qu'aussi bien le Pacte International
des Droits Economiques Sociaux et Culturels et les principes de Limburgo
relatifs à son application, la Charte sociale européenne,
le Protocole de San Salvador, entre autres, introduisent le concept
de progressivité, c'est-à-dire qu'ils diffèrent
dans le temps la réalisation des droits, en retardant la matérialisation
dans un futur indéterminé.
Si nous ne discutons
pas le concept de progressivité, acceptant qu'on puisse différer
le droit à la santé, l'alimentation, l'éducation,
au logement, au travail, et les autres droits fondamentaux de la personne
nécessaires à une vie digne, cela revient à accepter
qu'en raison des obstacles et des différences économiques
entre les états ces droits deviennent de simples utopies pour
des millions d'êtres humains. Pour cela, il faut insister sur
leur exigibilité immédiate, à tout le moins dans
leur contenu essentiel, et la responsabilité que doivent assumer
pour les garantir non seulement les états mai encore la communauté
internationale.
Le caractère
programmatique et de simple expectative des Droits Economiques Sociaux
et Culturels et du droit au développement leur dénie le
caractère de véritable droits et en diffère la
réalisation à des époques futures, ce qui est un
contresens et génère une grande impunité. Comment,
par exemple, alors que récemment la FAO a déclaré
que 11 000 enfants meurent chaque jour de faim dans le monde, comment
dire à l'humanité que le droit à l'alimentation
est programmatique, et en conséquence le différer ?
Nous considérons
que les contenus minimaux des droits sont pleinement exigibles à
l'égard des états et de la communauté internationale
indépendamment des facteurs externes comme le niveau de développement.
Les contenus minimaux qui conforment le noyau essentiel des droits économiques
sociaux et culturels sont intangibles, absolus et inaliénables
et on doit en garantir la jouissance à toute personne pour garantir
sa dignité humaine.
Des responsabilités
de l'Etat, de la communauté internationale, et des acteurs privés
dans le respect des DESC
Les responsables
de la garantie du droit au développement et des Droits Economiques
Sociaux et Culturels sont en première instance la communauté
internationale et chacun des états qui doivent y consacrer le
maximum de leurs ressources de manière efficiente, adoptant les
mesures législatives et administratives pour permettre que leur
peuple et tous les êtres humains en jouissent.
Les états
ont le devoir de satisfaire et protéger ces droits. Ils sont
méconnus si les gouvernements ne les garantissent pas à
travers des politiques sociales et de développement qui en permettent
le bénéfice, mais également si sont adoptées
des politiques, comme les très controversées politiques
néolibérales qui empêchent la réalisation
de ces droits et en favorisant la violation.
De manière
indirecte les états sont responsables s'ils permettent que d'autres
états, des personnes étrangères ou des multinationales
interviennent pour favoriser la méconnaissance de ces droits
ou s'ils tolèrent des formes de néocolonialisme en permettant
que des entreprises nationales, personnes physiques ou morale sous sa
juridiction violent les droits des secteurs les plus fiables de la population
ou si les normes internes protègent des formes de propriété
qui empêchent de réaliser ces droits, comme la concentration
de la propriété de la terre par rapport au droit à
l'alimentation de la population ou aux droits des travailleurs agricoles
déplacés de manière violente.
Il est important
de souligner les obligations de l'état en matière de DESC
dérivées du droit international des droits de l'homme
:
1. Obligation
de la non-discrimination dans l'exercice des DESC
2. Obligation
d'adopter des mesures immédiates : législatives, administratives,
judiciaires, économiques et éducatives.
3. Obligation
de garantir les niveaux essentiels des DESC à toute la population,
en satisfaisant un minimum de substance qui permette de garantir une
vie digne.
4. Obligation
de reconnaître légalement les DESC et d'adapter le cadre
légal pour en rendre possible l'exercice.
5. Obligation
de prévoir des recours judiciaires et d'autres recours effectifs
pour garantir les DESC.
6. Obligation
de produire et publier de l'information à propos des DESC.
7. Obligation
de satisfaction, incluant la progressivité, des DESC et prohibition
corrélative de régressivité, c'est - à -
dire obligation de maintenir les niveaux de qualité de vie déjà
atteints.
8. Obligation
de respect, consistant dans la non interférence de l'état
dans la liberté d'action et d'usage des ressources propres des
personnes pour l'autosatisfaction de ces droits.
9. Obligation
de protection, empêchent que des personnes physiques ou morales,
nationales ou multinationales violent les DESC des citoyens.
10. Obligation
de sanctionner les délits des agents publics et des particuliers
dans les cas de corruption qui font obstacle à la réalisation
ou violent les DESC
11. Diriger le
maximum de ressources disponibles pour la satisfaction des DESC.
12. Adopter une
stratégie nationale pour chacun des DESC dans laquelle soient
définis les objectifs pour le développement des conditions
d'accès à ce droit, les ressources disponibles pour l'atteindre
ces objectifs, la forme efficace et équitable pour employer les
ressources, des étapes claires d'avancements avec des systèmes
de surveillance et de vérification.
13. Garantir
la protection des secteurs placés en situation de vulnérabilité
14. Etablir
une information fiable et claire avec des indicateurs actualisés
qui permettent de savoir quelle est la situation de chaque droit permettant
ainsi d'adopter et de conduire des politiques publiques pour la réalisation
des DESC
On peut parfois
conclure que les droits économiques sociaux et culturels peuvent
arriver à être violés de façon semblable
aux droits civils et politiques, non pas comme conséquence de
la non réalisation de ces droits, sinon comme conséquence
de l'adoption de politiques directement orientées vers la suppression
de ceux-ci comme pourrait l'être la politique néolibérale.
Des normes ci-dessus
énumérées dérivent des obligations claires
pour les états comme elle d' " agir aussi rapidement que
possible " de " ne pas différer indéfiniment
les efforts à déployer pour la réalisation complète
des droits ", l' " augmentation des ressources économiques
et de toute nature pour leur réalisation, l'utilisation du maximum
des ressources disponibles et l'utilisation efficace de ces ressources
"
Les principes
d'Edimburg établissent que la deuxième partie du PIDESC
impose aux états d'utiliser tous les moyens appropriés,
législatifs, judiciaires, administratifs, économique,
sociaux, éducatifs et d'éliminer les normes contraires
à la normativité du pacte, ainsi que l'utilisation efficace
des ressources dans le but d'accomplir les obligations qu'il contient.
L'échec d'un Etat pour exécuter une obligation du pacte
en constitue une violation.
Les états
doivent respecter les DESC et comprendre que ces droits sont une limite
à la discrétionnalité de l'état au moment
de déterminer les politiques publiquement en matière sociale
et en matière macro-économique.
La communauté
internationale est responsable de sa permissivité face aux politiques
des états riches qui spolient les pays réduits à
la pauvreté, de même que pour l'absence de contrôle
des politiques d'ajustement structurel imposées par le FMI, la
Banque Mondiale et l'OMC, qui ne prennent en compte ni le droit international
ni les biens juridiquement protégés par le droit international
des droits de l'homme mais plutôt les intérêts étroits
du secteur financier et du grand pouvoir économique international.
La responsabilité
des états et de la communauté internationale résulte
du fait de ne pas contrôler et éviter ces abus et de favoriser
ces violations et leur impunité en ne sanctionnant par les responsables.
La dette externe
génère jour après jours une plus grande pauvreté
et affecte la souveraineté économique des pays en développement.
L'Unicef estime que les problèmes liés à la dette
sont à l'origine directe de la mort de 500 000 enfants par an
de même que " la formulation et l'application de politiques
économiques n'appartienne pas aux autorités nationale
sinon à des sphères internationales, avec des conséquences
négatives pour les populations du pays en voie de développement,
assurant d'une manière très claire le bénéfice
aux classes sociales dominant le commerce extérieur ".
Les politiques
d'ajustement structurel imposées par le FMI et la banque mondiale
conditionnent les états, Justifient la domination et nient le
développent humain, ces recettes se traduisent, entre autres
choses, par une diminution impressionnante des budgets de santé,
d'éducation, la réduction des salaires, des services publics,
et plus d'un milliard d'être humains vivants dans une pauvreté
extrême et souffrant de faim chaque jour.
Les politiques
d'ajustement cautionnent la distribution injuste de la richesse, y compris
dans les pays industrialisés, où les 20% plus richesse
reçoivent 7 fois plus que les 20% les plus pauvres de la population.
Dans les pays en développement, les 20% plus richesse reçoivent
50% de la totalité des ressources des ménages et 20% des
ménages plus pauvres en reçoivent 4% ou moins.
Le revenu moyen
des pays riches est 58 fois plus élevé que celui des pays
en développement, mais le plus grave est que le pays en développement
entretiennent plus de la moitié de la population mondiale avec
seulement 5,6% du revenu mondial. Cette inégalité criminelle
dans la distribution de la richesse met en péril la stabilité
politique et sociale des pays et menace la sécurité de
la population en laissant se propager le crime, la violence, les conflits
et la guerre.
Il est de la
responsabilité de la communauté internationale de superviser
et d'éviter que l'OMC,la banque mondiale, le FMI, la BID et d'autres
instances du même type continuent de violer les DESC particulièrement
dans les pays pauvres et qu'il y ait de plus en plus de pauvres dans
les pays riches.
Les entreprises
nationales et multinationales ont des pratiques qui violent les DESC
par exemple les droits des travailleurs, les droits des femmes, des
communautés indigènes, des minorités ethniques,
et les normes de d'environnement. Elle doivent comprendre que leurs
pratiques de production, distribution et commercialisation de biens
et services doivent être adaptés aux normes internationales
de l'ONU, de l'OEA et de l'OIT et que ces normes sont des minima de
respect de la dignité humaine.
Elles doivent
comprendre que certains produits comme les aliments, les médicaments,
les services de santé, éducation, logement ne peuvent
être régies par les règles du marché comme
des téléviseurs ou d'autres biens, dans la mesure où
ces produits ne sont pas de simple marchandise mais traduisent des droits
permettant une vie digne à l'humanité et que pour cela
les règles du jeu doivent être différenciées
et adaptées aux normes protectrices de ces droits de l'homme.
Comme nous pouvons
l'observer, c'est seulement à travers la lutte pour l'exigibilité
des droits civils politiques, économiques, sociaux et culturels
que nous pourrons finalement libérer l'humanité de la
peur, de l'oppression, de la tyrannie, de la faim, de la misère,
qui ne sont pas naturelles, mais produites par des personnes physiques
et morales, publiques ou privés. Il est nécessaire d'individualiser,
connaître la vérité, sanctionner et exiger une réparation
individuelle et collective.
Dans le cas contraire
nous sommes condamnés à voir ces crimes se poursuivre
dans une totale impunité. Nous ne pouvons continuer à
permettre que les 350 personnes les plus riches du monde aient un revenu
annuel équivalent à celui de 2 400 millions de personnes.
Les violations
des DESC de base et la privation du droit au développement doivent
être considérés comme des crimes contre l'humanité
dans la mesure où elles génèrent des génocides
et écocides irréparables, détruisent le développement
individuel et collectif de l'humanité, réduisent des millions
d'être humains à la faim et à la misère,
constituent un attentat contre la paix et la coexistence pacifique,
et lèsent profondément les postulants éthiques
qui inspirent le droit international des droits de l'homme.
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Sommaire
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FIDH.
Congrès de Casablanca (janvier 2001)
Forum " Mondialisation et exclusions ".
Synthèse de l'atelier 1.
Mondialisation,
exclusions
économiques et sociales et
rôle des ONG
1. Diagnostic
de la mondialisation
La mondialisation
est comme la langue d'Esope
ou encore comme la Lune, dont une
face est claire (la face " intégratrice ", célébrée
par la pensée dominante) et l'autre obscure, cachée (la
face " excluante ", que fait apparaître le thème
choisi pour nos travaux).
11. Un processus
contradictoire
La mondialisation
n'est pas dépourvue de vertus : elle suscite, ne fût-ce
que par réaction, la prise de conscience d'intérêts
communs, de " biens communs " planétaires, d'influences
externes parfois bénéfiques (voir par exemple la chute
de l'apartheid).
Mais elle engendre
aussi bien des maux, et en particulier elle ne bénéficie
qu'à des " inclus ", marginalisant au contraire la
majorité de la population de la planète, qui est reléguée
en périphérie voire exclue de l'essentiel des retombées
positives, c'est-à-dire ne subit que les inconvénients
du processus.
12. Une " face sombre " à éclairer
121. Remonter
à la source : pauvreté et richesse ont une histoire, faite
essentiellement de conquête, d'esclavage, de colonisation, d'impérialisme
et de pillages
122. Le cadre
politique de la mondialisation donné à la fin des années
1980 reste aujourd'hui le triomphe du capitalisme sur son rival planétaire
historique.
123. La logique
de marchandisation universelle qui en découle engendre pour une
grande partie des populations du Sud une dépossession des ressources
les plus fondamentales pour la survie (par exemple de l'eau).
124. La logique
de nivellement par le bas des statuts sociaux tend constamment à
détruire les politiques sociales étatiques sous l'effet
de la compétition permanente et généralisée.
125. Attention
à l'illusion spéculative : la création réelle
de richesses, la croissance de l'économie réelle sont
très inférieures à ce que font apparaître
les indicateurs monétaires et financiers (bulles spéculative,
proportion très majoritaire de capitaux purement spéculatifs
dans les mouvement transnationaux de capitaux).
126. Nous devrions
mesurer l'ampleur de la mutation de la dialectique du " centre
" et de la " périphérie " : l'un et l'autre
sont aujourd'hui " délocalisés " par les réseaux
de télécommunications.
127. Une logique
de lit de Procuste fait fonctionner la mondialisation selon un modèle
unique, fait d'impérialisme associés (la seule superpuissance,
les puissances de second rang
et surtout de puissances privées
transnationales que sont les " sociétés multicoloniales
") et souvent de dominations post-coloniales via des gouvernants
(au Sud) complices et corrompus.
128. La croissance
de la part souterraine des économies, en raison de la corruption,
de la plus grande adaptabilité au " transfrontières
" des trafics illicites (drogues, armes, blanchiment) fait de leurs
protagonistes les opérateurs les plus aisément et fortement
mondialisés.
129. Il nous
faut enfin regretter le comportement schizophrénique et démissionnaire
des Etat, qui signent des accords (commerciaux ou financiers) en contradiction
avec les conventions reconnaissant des droits fondamentaux qu'ils ont
pourtant ratifiées, et qui tentent de s'abriter derrière
les " grands Satans " que sont les institutions internationales
de régulation pour échapper à leurs obligations.
13. Une signification ambiguë
" Mondialisation
" désigne un changement d'échelle de territorialisation
une dimension nouvelle des activités et des échangés,
mais ne dit rien en soi d'explicite quant au contenu des politiques
suivies et des normes établies et appliquées.
On peut donc,
tout en adhérent au principe (universalisant) d'une mondialisation,
dire d'un même mouvement " non " à la mondialisation
de l'exploitation (c'est-à-dire au libéralisme globalisé)
et " oui " à la mondialisation des échanges
humains au sens large (c'est-à-dire à un humanisme mondialisé).
2. Faux débats
Ne tombons pas dans certains pièges
21. Réversibilité illusoire
Nul ne peut
en cette matière revenir en arrière, c'est-à-dire
au temps des fortes souverainetés nationales : l'internationalisation
est inévitable, irréversible et au demeurant parfois positive.
22. Relativisme anti-mondialisation
Attention à
la critique " relativiste " de la mondialisation qu'instrumentent
bien des Etats autoritaires au Sud : ce ne sont pas les peuples, mais
seulement des gouvernants autocratiques, qui invoquent les " valeurs
régionales " faisant prétendument obstacle à
l'universalisme.
23. Economie et droit de l'Homme
Attention à
ne pas opposer absurdement " économie " et " droits
de l'Homme " : la confusion de " économique "
avec " marchand " abandonnerait nécessairement les
bases sociales de la citoyenneté au verdict du marché,
et laisserait l'ensemble du champ économique aux libéraux.
Au contraire, la centralité des droits économiques, sociaux
et culturels doit s'installer au cur de nos préoccupations
pour la période qui s'ouvre.
3. Vrais débats
31. Sur la question de la " clause sociale "
Rien ne serait
pire que de reproduire dans nos rangs un clivage Nord-Sud opposant des
ONG du Nord partisans de la " clause sociale " (comme d'ailleurs
de clauses " écologiques ") à des ONG du Sud
plus réticentes voire hostiles. Car nous opposerions alors deux
intérêts vitaux pour les droits fondamentaux : celui de
la garantie des droits y compris par l'usage de certaines armes économique
et celui de la justice répartition de l'accès au développement.
Il est donc,
comme on le verra, urgent de réfléchir à des modalités
de compensation macro-économique équitable des contraintes
économique qu'engendrent ces clauses pour les économies
des pays du Sud.
32. Sur la question
des souverainetés nationales
La mondialisation
sape quotidiennement les souverainetés étatiques. Nous
sommes trop habitués à entendre des gouvernants d'Etats
autoritaires se réfugier derrière l'argument de l'ingérence
dans les affaires intérieures de leur Etat souverain pour ne
pas nous réjouir des difficultés croissantes qu'ils éprouvent
aujourd'hui à utiliser cette stratégie.
Pour autant,
l'ambivalence du processus mondialisateur est ici particulièrement
manifeste : la souveraineté des Etats est aussi l'expression
légitime de leur construction historique, et souvent de luttes
de libération contre colonisateurs et/ou impérialistes,
c'est-à-dire une mise ne forme juridique du droit des peuples
à disposer d'eux-mêmes (à condition toutefois que
ces Etats respectent eux-mêmes ce droit tant à l'intérieur
qu'à l'extérieur de leurs frontières internationales),
et de surcroît un correctif au moins symbolique de l'inégalité
de puissance interétatique.
Il est donc
essentiel de penser à la fois, et de concilier, le dit droit
des peuples à disposer d'eux-mêmes et la prise en compte
des " biens communs de l'humanité " qui légitime
la construction d'un " droit commun de l'humanité ".
Cette conciliation passe par la distinction fondatrice entre un "
noyau dur indérogeable ", s'imposant y compris aux Etats,
et le reste de l'ordre juridique internationalement reconnu qui doit
respecter la diversité culturelle. Et on ne répétera
jamais assez, face aux masques relativistes des gouvernements autoritaires,
que la totalité des droits fondamentaux, c'est-à-dire
aussi bien les droits économiques, sociaux et culturels que les
droits civils et politiques, doivent être inclus dans ce noyau
dur indérogeable, dès lors qu'ils conditionnent également
et invisiblement le respect de la dignité de tout être
humain.
4. Agir demain : humaniser la mondialisation
" Que faire
" ? Tactiquement, utiliser les contradictions du processus mondialisateur
à chaque fois qu'elles servent notre combat : exploiter la "
face claire " (donc revendiquer la transparence, la " bonne
gouvernance ", jouer du " temps réel " qu'offrent
les nouvelles technologies de l'information et de la communication et
surtout de la conscience croissante des " biens communs de l'humanité
" que développe la mondialisation dans les opinions publique)
tout en dénonçant la " face obscure et cachée
" (c'est-à-dire notamment la marchandisation universelle,
la dépossession des peuples de leurs ressources naturelles, la
corruption des gouvernants autoritaires par les firmes transnationales
qui en font leurs intendants, le développement des trafics illicites
destructeurs de dignité humaine, etc.)
Plus stratégiquement,
contribuer à la définition et à la garantie d'un
" contrat social mondial " qui soumette réellement
le processus de mondialisation au règne du droit. Ceci suppose
tout particulièrement la primauté des normes reconnaissant
les droits fondamentaux, cur du " droit commun de l'humanité
" qui doit relever de ce que les juristes nomment traditionnellement
le jus cogens.
En réalité,
nous avons ici moins besoin de normes - car la définition du
" contrat social mondial " a commencé en 1948, et depuis
lors les textes se sont accumulés - que d'effectivité
des normes existantes, c'est-à-dire de procédures efficaces
qui en garantissent le respect, donc de contrôles et plus généralement
d'une démocratisation de la régulation du processus mondialisateur.
L'obligation
pour les " gouvernants mondiaux réels " (c'est-à-dire
pour les dirigeants tant des firmes transnationales que des institutions
interétatiques) de rendre des comptes à l'ensemble des
citoyens de cette planète est un aspect décisif de la
garantie des droits (et singulièrement des droits économiques
et sociaux), qui suppose transparence et responsabilité politique.
Il apparaît
ainsi que le paysage institutionnel de la mondialisation devrait répondre
à la figure du trépied qui caractérise toute société
politique, mettant face à face les institutions publiques, les
institutions privées marchandes et les institutions privées
non marchandes. Il nous faut donc, alors que la globalisation des marchés
progresse à pas de géant, combattre pour le renforcement
des institutions publiques légitimes (étatiques et internationales)
et simultanément imposer que soit plus fortement entendue la
voix de la " société civils internationale "
en formation (dont les ONG sont aujourd'hui les principaux porte-parole).
Notre atelier
a travaillé dans cette optique d'abord, sur un plan global, autour
du rapport entre commerce mondialisé et droits de l'Homme - et
plus généralement des régulations économiques
mondiales - [41], puis plus particulièrement sur les relations
entre économie et conflits armés [42] et sur la question
des migrations [43]
41. Commerce,
finances, institutions internationales et droits de l'Homme
Nous devons
agir vis-à-vis des institutions publiques - c'est-à-dire
des Etats et des institutions internationales - mais bien sûr
aussi, directement, des êtres humains titulaires des droits économiques,
sociaux et culturels.
Renforcer les
institutions publiques, c'est d'abord responsabiliser les Etats (cf.
le point 13.b de la résolution), donc exiger d'eux d'une part
qu'ils n'entravent pas l'exercice de la citoyenneté, de la liberté
d'association, du droit syndical (en particulier au nom d'un relativisme
hostile à notre conception universaliste des droits de l'Homme),
d'autre part qu'ils assument leur obligation de garantie des droits,
enfin qu'ils s'impliquent dans des processus de coopération équilibrés
(notamment Sud-Sud). C'est également responsabiliser les institutions
interétatiques, en leur rappelant qu'elles aussi doivent respecter
la hiérarchie des normes internationales, c'est-à-dire
la primauté du droit international des droits de l'Homme.
Il ne s'agit
pas pour nous, par exemple, de détruire l'OMC, mais d'en redresser
les méthodes (en particulier quant à l'obligation de rendre
des comptes, au contrôle démocratique, etc.) pour rendre
possible un nouveau cours, c'est-à-dire une régulation
au service des intérêts des peuples et du respect des droits.
Le rôle
d'ONG comme la nôtre vis-à-vis des institutions internationales
doit consister d'une part à faire du lobbying, notamment pour
exiger le respect des procédures des Nations unies ( en utilisant
par exemple le Protocole facultatif du Pacte sur les droits économiques,
sociaux et culturels), d'autre part à faire entendre par toutes
procédures appropriées (en demandant un statut consultatif
par exemple) la voix de la société civile là où
s'élabore la régulation de la mondialisation.
L'institution
de contrôles plus efficaces sur les nouveaux pouvoirs économiques
mondiaux peut à cet égard faire l'objet de trois propositions.
La FIDH pourrait
d'abord créer, en son propre sein, un Observatoire international
du respect des droits économiques, sociaux et culturels, qui
évaluerait en permanence le degré de conformité
des pratiques des Etats, des institutions internationales spécialisées
et des sociétés transnationales aux obligations instituées
par la Déclaration universelle des droits de l'Homme, par le
Pacte des Nations unies relatifs aux droits économiques, sociaux
et culturels, par les conventions passées dans le cadre de l'Organisation
internationale du travail et par les autres instruments internationaux
mondiaux et " régionaux ".
Cet Observatoire
fournirait, sur le modèle de l'Observatoire mondial pour la protection
de défenseurs des droits de l'Homme, toutes informations pertinentes
aux militants, aux media et aux opinions publiques, notamment en mettant
en permanence ces informations en ligne sur le site de la FIDH.
Nous pourrions
ensuite prolonger la suggestion faite an Congrès de Dakar en
1998 de faire campagne pour la création d'une Organisation internationale
de contrôle du respect du jus cogens (c'est-à-dire en l'occurrence
des normes reconnaissant et garantissant les droits économiques,
sociaux et culturels).
42. Economie mondialisée et conflits armés
Ce thème
n'a fait l'objet de débats que pendant une partie de la deuxième
demi-journée de travail de l'atelier. Nous sommes cependant parvenus
à une double et forte affirmation.
D'une part,
il est parfaitement clair qu'au-delà des explications circonstancielles
seules développées dans la plupart des media, la cause
essentielle de la quasi totalité des conflits armés de
ces dernières années, qui ont très majoritairement
ensanglanté l'Afrique subsaharienne, relève des interventions
déstabilisantes de représentants de puissants intérêts
largement mondialisés. On pense d'abord ici à des entreprises
transnationales bien connues, associées en tant que de besoin
à des gouvernants à l'occasion corrompus, qui mettent
la main sur des ressources fondamentales de pays du Sud (matières
premières, sources d'énergie, métaux précieux,
etc.) ou encore qui fournissent les belligérants dans le cadre
de trafics mêlés (armes, drogues, etc.). Seule dès
lors une régulation économique internationale fondée
sur le droit des peuples à disposer non seulement d'eux-mêmes
mais de leurs ressources fondamentales peut, par des mécanismes
d'arbitrage et de prévention indépendants des intérêts
dominants, permettre de progresser vers l'élimination de ces
conflits.
D'autre part,
l'économie qui est ainsi la cause première des conflits
est aussi une arme qui détermine leur sort dans une proportion
souvent décisive. Elle le fait parfois dans des conditions inacceptables,
notamment lorsqu'un blocus, un embargo prend en otage des populations
civiles innocentes pour faire pression sur leurs gouvernants (voir par
exemple le sort révoltant réservé aux Irakiens,
et notamment aux enfants de ce malheureux pays) ou lorsqu'un Etat utilise
sa position dominante pour confisquer des ressources vitales pour une
population civile déjà privée de la plupart de
ses droits fondamentaux (voir ici l'exemple de l'accès à
l'eau dans les territoires occupés par Israël).
Mais elle peut
aussi être considérée comme légitime lorsqu'elle
permet de conditionner l'ouverture de marchés ou de ressources
de coopération au respect des droits fondamentaux ; tel est le
cas des accord d'association conclu par l'Union européenne avec
un grand nombre de pays du Sud ; on ne peut toutefois que regretter
la quasi absence de dispositions garantissant l'observance effective
des clauses relatives au respect des droits de l'Homme et la faiblesse,
pour ne pas dire l'inexistence, de volonté politique européenne
pour faire appliquer ces clauses (notamment vis-à-vis des gouvernements
israélien et tunisien).
43. Mondialisation et migrations
Nous avons d'abord
constaté les effets dramatiques de la conjugaison entre la dynamique
néo-libérale de mondialisation de la demande de main d'uvre,
qui attire des dizaines de millions d'êtres humains vers les économies
du Nord, et les politiques de plus en plus sécuritaires qui transforment
ces mêmes pays du Nord en forteresses sélectives, leurs
frontières n'étant perméables que pour les "
inclus " dans la mondialisation alors que les exclus restent assignés
à résidence et en quelque sorte hors jeu. Des masses immenses
de migrants sont ainsi plongés dans une précarité
et une insécurité dramatiques, exploités par les
filières de passeurs puis par des négriers modernes, privés
de papiers, de droits et d'existence reconnue, bref placés à
l'extrême pointe de l'évolution vers une " flexibilité
" destructrice des acquis sociaux.
Notre réaction
à cette injuste massive est double. Elle consiste d'abord à
proclamer l'existence d'un droit fondamental de tout être humain
à la libre circulation sur toute la planète (cf. le point
14.3 de la résolution) : les obstacles à cette libre circulation
sont en contradiction avec les principes les plus élémentaires
des droits de l'Homme ; en particulier, la différence radicale
de traitement entre réfugiés politiques (admis au moins
en principe) et " réfugiés économiques "
(refoulés par principe) n'est pas compatible avec le principe
d'indivisibilité des droits dont se réclament officiellement
les gouvernants des pays du Nord qui la pratiquent.
Mais elle pose
aussi la question des causes des migrations, c'est-à-dire de
la misère et parfois de la terreur (pour prendre la formulation
de la Déclaration universelle de 1948). La situation de "
migrant forcé " n'est pas plus admissible que celle "
d'assigné à résidence ". Seule l'instauration
d'un ordre économique mondial plus juste, qui suppose la démocratisation
déjà évoquée des régulations économiques
internationales, est de nature à agir ainsi en amont, dans l'intérêt
fondamental des êtres humains concernés et dans le respect
du droit au développement des peuples du Sud. A défaut
de ce second volet, nous serions piégés par une perspective
purement libérale, qui ne garantirait que le droit de tout être
humain à flotter comme un bouchon dans l'espace mondialisé
au gré des besoins du marché global du travail.
5. Agir avec qui ? Partenariats stratégiques
Nous avons, pris par le temps, brièvement constaté la
nécessité, qui n'en est pas moins vitale, de nouer des
alliances stratégiques avec ceux qui apparaissent quotidiennement
comme des partenaires naturels de notre combat. Les droits économiques,
sociaux et culturels sont les droits de tous, donc leur conquête
et leur garantie sont l'affaire de tous.
Il en résulte
que les organisations syndicales, qui représentent travailleurs
et chômeurs et qui tentent de construire une indispensable internationalisation
de leurs luttes, constituent évidemment des alliés de
cette nature dans la lutte pour les droits sociaux.
Il en est de
même des organisations de combat écologique pour l'avenir
de la planète et pour un " développement durable
", ainsi que des ONG dites " de développement ".
Nous avons été sur ce point sensibilisés par une
représentante d'une ONG de ce type au risque d'une dérive
de certaines d'entre elles vers une intervention purement caritative,
qui mettrait sous le boisseau la question de la démocratie et
des droits sous la pression de gouvernants face auxquels 's'opère
leur travail quotidien. La lutte contre la pauvreté doit être
indissolublement liée à l'exigence de démocratisation
et de participation des populations aux choix politiques.
Ainsi s'affirme
l'exigence d'une " autre mondialisation ", qui face au libéralisme
économique planétaire respecte réellement les principes
seuls à même d'humaniser ce monde " globalisé
". Ces principes sont bien connus mais ne seront jamais assez répétés
: il s'agit tout simplement de l'universalité, de l'indivisibilité
et de l'effectivité des droits de l'Homme. Pas plus de développement
sans démocratie que de démocratie sans développement
: la réalité nous le rappelle chaque jour. Et cette exigence
de démocratisation est seule de nature à faire vivre ensemble
la légitime diversité de civilisations et de cultures
et le patrimoine commun de l'Humanité, dont le cur est
le respect de la dignité et des droits fondamentaux de tout être
humain.
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"
Mondialisation et exclusions "
Projet
de résolution présenté par le Bureau International
1. La FIDH
a pour mission d'assurer la défense, la promotion, l'universalité
et l'indivisibilité des droits de l'Homme.
2.
Depuis sa création, et en particulier lors de ses deux derniers
congrès à Madrid et à Dakar, elle n'a eu de cesse
d'affirmer que les droits de l'Homme étaient le bien de l'Humanité
toute entière et qu'ils formaient un ensemble indissociable.
A ce titre, la F.I.D.H. a toujours regardé les droits économiques,
sociaux et culturels, réaffirmés et développés
dans un grand nombre d'institutions internationales, mais toujours largement
ignorés et non appliqués, comme étant de même
valeur et de même portée que les droits civils et politiques
ce que la Déclaration Universelle de 1948 a consacré.
3.
La FIDH réaffirme avec force la primauté absolue des droits
de l'Homme. Ceux-ci créent des obligations qui s'imposent à
tous, Etats, aux institutions internationales et aux acteurs privés.
Aucun code de conduite ne saurait s'y substituer. Les droits économiques,
sociaux et culturels doivent être entendus comme des droits effectifs,
exigibles, justiciables et sanctionnables.
4.
La mondialisation telle qu'elle prend forme actuellement se caractérise
notamment par l'organisation mondiale de la production par les grandes
entreprises privées, la globalisation financière et l'interdépendance
des économies.
5.
Elle a un impact profond sur la structure des Etats et sur la situation
des droits de l'Homme, en particulier les droits économiques,
sociaux et culturels. Elle a engendré de nouvelles formes de
violences et en a aggravé d'autres. L'interdépendance
entre démocratie et développement est mesurable à
l'aune de ses conséquences concrètes, et au regard de
la multiplication des crises sociales, ethniques, religieuses, nationalistes
et des conflits armés. Elle génère des exclusions
sociales entraînant la rupture de liens fondamentaux d'intégration
et porte atteinte notamment à l'identité culturelle des
minorités.
6.
Si certains pays ont bénéficié de la libéralisation
des échanges, d'autres ont été de plus en plus
marginalisés. Le déséquilibre croissant des termes
du marché est une donnée ancienne qui ne fait que s'aggraver.
Les inégalités de revenus à l'échelle internationale,
illustrées par l'évolution croissante de la pauvreté
et de l'extrême pauvreté dans une large partie du monde,
sont sans précédent, sans qu'aucune des solutions mises
en uvre n'ait au moins atténué cette injustice flagrante.
7.
Le déséquilibre des échanges entre pays riches
et pauvres, la globalisation des échanges ont pour effet de déstructurer
un peu plus l'économie des pays les plus pauvres, d'ordonner
le marché mondial autour des seuls intérêts des
pays dominantes, de niveler les cultures sur un modèle mondial,
au risque de développer des réactions nationalistes et
identitaires.
8.
Cette situation d'inscrit dans un environnement où les technique
de communication et d'échanges connaissent des progrès
considérables mais où l'accès à ces technique
reste profondément inégal.
9.
Ces bouleversements ne sont pas compensés, et de loin, par les
progrès qui découlent des perfectionnements fantastiques
des sciences et des techniques : les marchandises et les capitaux circulent
de plus en plus librement mais les hommes et les femmes, en particulier
les plus pauvres, sont toujours assignés à résidence,
ou sont victimes de trafic.
10.
La mondialisation a consacré un rétrécissement
de la marge des Etats sur qui pèse l'obligation de garantir les
respect des droits de l'Homme, au profit d'instances qui ne sont que
rarement responsables et soumises à un contrôle démocratique.
Cela concerne les institutions financières internationales, et
les organisations multilatérales telles que l'Organisation Mondiale
du Commerce, mais également les sociétés transnationales
qui ont acquis une puissance inédite.
11.
S'il n'appartient pas à la F.I.D.H de se prononcer en faveur
d'un système économique, il lui appartient de rappeler
que tout système économique doit satisfaire aux prescriptions
de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, et que le
" libre échange " n'est pas une fin en soi et doit
s'inscrire en tout état de cause dans la perspective d'une redistribution
équitable de la croissance, et d'un développement durable
afin notamment d'éradication de la pauvreté.
12.
La F.I.D.H entend souligner que le processus de mondialisation actuellement
en cours ne saurait échapper à cet impératif que
constitue le respect des droits de l'Homme auquel ne saurait se substituer
une quelconque démarche caritative.
13.
C'est pourquoi, la F.I.D.H considère comme essentiel que :
13.1
Toutes les politiques mises en uvre par les institutions internationales
ou les Etats doivent s'inscrire dans le cadre défini par la Déclaration
Universelle des Droits de l'Homme et toutes autres conventions pertinentes.
13.2
Les institutions financières internationales et les politiques
qu'elles mènent doivent être transparentes, soumises à
un contrôle démocratique et répondre des conséquences
de leur politique. Ces politiques, qu'elles soient menées par
des institutions régionales ou internationales, doivent être
coordonnées afin d'assurer un développement durable. Les
institutions financières internationales, au delà du contrôle
démocratique auquel elles doivent être soumises, doivent,
de plus, tenir compte des propositions de la société civile
internationale indépendante. Elles doivent instaurer des mécanismes
efficaces et transparents de consultation à cet effet. Il s'agit
là d'une exigence essentielle que de permettre effectivement
un débat démocratique et citoyen.
13.3
Les sociétés multinationales, devenues un lieu de pouvoir
auquel ne correspond pas un niveau équivalent de responsabilité,
soient assujetties à des mécanismes de contrôles,
de sanction et de réparation permettant à la communauté
internationale (Etats, organisations interétatiques universelles
ou régionales, associations et individus) d'engager leur responsabilité
soit devant des juridictions nationales, soit devant des juridictions
internationales dont la création s'impose.
13.4
La libération des échanges doit s'accompagner du respect
de la diversité des cultures et des droits des minorités,
et prendre en compte l'intérêt légitime de chaque
peuple et de son développement durable.
13.5
Les moyens techniques et les progrès scientifiques doivent faire
l'objet, notamment au profit des pays les plus pauvres, d'une diffusion
qui permettre à l'ensemble de l'Humanité d'en bénéficier.
13.6
Les instruments internationaux de protection des droits économiques,
sociaux et culturels établissent des droits directement exigibles
par les personnes, y compris lorsque ceux-ci ne sont pas intégrés
dans l'ordre juridique interne des Etats.
14.
D'ores et déjà, la F.I.D.H recommande d'urgence :
14.1
D'annuler la dette des pays pauvres, sans que cette annulation ne remette
en cause l'aide publique au développement dont le niveau est
déjà insuffisant.
14.2 De promouvoir une législation internationale prohibant l'existence
de " paradis fiscaux " et de mettre en uvre un mécanisme
mondial permettant de taxer les échanges mondiaux de capitaux
à des fins spéculatives.
14.3
De respecter la libertés de déplacement des individus.
14.4
La ratification par les Etats et l'incorporation dans leur ordre juridique
interne de l'ensemble des instruments internationaux relatifs aux droits
économiques, sociaux et culturels.
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