LE
RENOUVEAU
N° 361 du Jeudi 1er Juin 2000
SOCIETE
LE
PEUPLE EST EN COLERE ET LES BUS EN GREVE
Le peuple djiboutien,
écrasé de chaleur en ce début d'été caniculaire
et en proie aux affres de la misère que lui impose la mal-gouvernance,
souffre en silence. Il ne cesse de scruter l'horizon pour y déceler
le moindre signe d'espoir. Il espère un changement et attend beaucoup
des négociations en cours entre l'opposition et le régime
dans le cadre de l'accord-cadre signé le 7 février 2000 à
Paris. Il regarde, sceptique, ce que le pouvoir appelle " conférence
de réconciliation somalienne " et qu'il conduit à huit
clos à Arta. Il voit et entend ce que le régime veut bien
lui en dire. En le croyant d'autant moins qu'il connaît le système
RPP.
Sans cesse, il se
prend donc à rêver la fin de ses souffrances. Tant il est vrai
que sapatience
est à bout.
Et voilà que
la science infuse du régime lui assène, tel un coup de massue,
une hausse substantielle du pétrole lampant et du gasoil de 12 francs
le litre décidée en même temps qu'une autre augmentation,
de 5 francs celle-là, pour le super, ce qui n'augure rien de bon
pour le prix de la place de bus et le coût du combustible domestique.
Alors, il explose de colère. Il sort dans la rue, brûle des
pneus sur les chaussées, se répand en slogans hostiles au
pouvoir et perturbe la circulation routière. Ou du moins ce qui en
reste, car bus et mini-bus expriment aussi leur colère par un mouvement
de grève suivie à 100%.
En effet, les mini-bus
et bus du pays lancent une action de grève mardi 30 mai 2000. Aucun
véhicule de transport en commun ne circule chargé depuis lors.
Les habitués, ceux et celles qui se déplacent en bus, c'est-à-dire
vous et nous, soit l'écrasante majorité des Djiboutiens et
Djiboutiennes, s'en sont rendus compte de très bonne heure mardi.
Massés puis
en mouvement le long des trottoirs, les passagers sans bus se comptent par
centaines voire milliers.
Motif de cette grève,
au demeurant sans précédent puisque la totalité du
parc des bus et min-bus l'ont suivie, apportant la preuve de leur solidarité
et de leur cohésion : la hausse de 12 FD du prix du litre de gasoil.
Lorsque l'on sait
par ailleurs que les importateurs et autres boulangers, excédés
par les agissements du pouvoir, disent leur colère (lire nos articles
en pages 2 et 3), l'on ne peut que constater que le mécontentement
se généralise. C'est que trop c'est trop !
Dans un pays où le coût de la vie est des plus élevés
et où les gens peinent déjà pour payer le prix habituel
de 30 FD (50 FD pour Balbala) de la place de bus, cette mesure gouvernementale
qui renchérit le gasoil utilisé par les transports en commun
est apparue excessive pour les professionnels comme pour les passagers.
Et de fait, elle l'est. Au même titre d'ailleurs que l'augmentation
du pétrole lampant et du super.
Au moment où les agents de l'Etat, de loin le plus important agent
économique, accusent cinq mois de retards pour la seule année
2000 (les arriérés antérieurs sont de trois mois :
novembre et décembre 1995 et décembre 1997), prendre de telles
mesures impopulaires qui ajoutent gravement aux difficultés d'un
quotidien déjà des plus durs, voilà qui dénote
une légèreté sans bornes. C'est de l'inconscience !
La raison ne peut
que se révulser, autant que le cur, devant de telles initiatives
inconsidérées. Que cherche-t-on ? Qu'elles sont les motivations
profondes à l'uvre ?
C'est à croire
que l'on a opté définitivement pour le misérisme (
règne par la misère). Que la logique de la facilité
poussée à l'extrême a conduit à assommer chaque
jour un peu plus les pauvres Djiboutiens et Djiboutiennes.
La réaction
moyenâgeuse du régime qui, pour toute réponse, s'est
laissé aller à ses anachroniques réflexes répressifs
ne témoigne point, en tout cas, du contraire. Cinq membres du comité
syndical des bus et mini-bus dont le secrétaire général
Monsieur Osman Guedi et quinze propriétaires de bus ont été
arrêtés dès mardi 30 mai 2000.
Devant une telle
situation, les démocrates ne sauraient rester indifférents.
Aussi l'Opposition Djiboutienne Unifiée et le Parti du Renouveau
Démocratique (PRD), qui en fait partie, notent-ils le caractère
autoritaire, intempestif et peu justifié de ces mesures impopulaires.
Ils exigent leur annulation ainsi que la libération immédiate
des cinq responsables syndicaux et des quinze propriétaires de bus
arrêtés par la police dès le début de la grève.
Non sans s'interroger sur les véritables motivations qui y président.
La balle est désormais
dans le camp du peuple martyrisé.
LES
BOULANGERS SE MOBILISENT
Les boulangers djiboutiens se mobilisent contre l'augmentation de leur coût
de production liée à la suppression par le gouvernement de
l'approvisionnement en farine subventionnée et de la hausse du carburant
(gasoil). Ils saisissent, par le biais de leur syndicat, le ministre du
commerce par lettre datée du 31 mai 2000. Ils lui exposent leur situation
peu enviable et lui demandent de prendre ses responsabilités pour
y remédier.
Rappelons que les boulangers, par le même canal syndical et pour les
mêmes motifs, avaient écrit au chef de l'Etat, Monsieur Ismaël
Omar Guelleh. Ils avaient notamment sollicité :
" 1)- Suppression de la patente d'importation pour les boulangers ;
2)- Baisser le montant de la patente trop exorbitante des boulangers;
3)- supprimer l'impôt sur le bénéfice car nous ne réalisons
aucun bénéfice ;
4)- Energie : tarification de l'électricité et de l'eau à
un régime préférentiel ;
5)- Gasoil : nous le fournir en hors taxe "
A suivre
ECONOMIE
LES
IMPORTATEURS A LEUR TOUR EN COLERE
Les importateurs
de la place, djiboutiens comme non djiboutiens, sont en colère du
fait des agissements d'un régime qui n'épargne rien ni personne.
Cela fait suite, outre la dégradation de l'environnement socio-économique
qui est depuis une dizaine d'années en crise aiguë en raison
des problèmes politiques et de la guerre civile, au harcèlement
fiscal dont ils s'estiment l'objet . Ils se plaignent de redressement fiscaux
inconsidérés, de patente trop chère du fait de la prise
en compte dans la base de calcul des produits déclarés en
transit , d'augmentation de Taxe Intérieure sur la Consommation,
notamment sur le tabac, les cigarettes, les produits alcoolisés et
certains médicaments.
La chambre Internationale
de Commerce et d'Industrie (CICID) s'est faite l'écho de ce mécontentement
dans son bulletin mensuel Djib Eco. " [...] On assiste, écrit
le président Coubèche en ouverture du numéro de mai
2000 de Djib Eco, à un départ discret de certains de nos hommes
d'affaires nationaux vers d'autres horizons fiscalement moins contraignants.
[...] Je pense que le moment est venu pour mieux coordonner la politique
de développement régional de notre pays prenant davantage
en compte les doléances du secteur privé. "
Un article est d'ailleurs
consacré au sujet dans les pages intérieures du bulletin.
Article que voici :
" Le président
Said Ali Coubèche a reçu récemment une pétition
des plus importants importateurs du pays qui se plaignent d'être victimes
de tracasseries de la part des services du Ministère des Finances.
1. Le Ministère
réclame aux importateurs des redressements sur plusieurs années
sur des déclarations d'importation qu'il remet en cause aujourd'hui
alors qu'elles ont été acceptées à l'époque
par les services concernés.
2. Dans le passé,
la patente d'importateur était calculeé sur le volume d'importations,
aujourd'hui elle est calculée en plus sur les produits déclarés
en transit par les importateurs.
3. les taux de la
TIC sur certains produits exportés ont augmenté de 50% notamment
sur le tabac, les cigarettes et les produits alcoolisés.
4. Par ailleurs,
la réforme des taux de TIC a renchéri certains médicaments
sur lesquels la TIC s'applique au taux de 33% au lieu de 10%. Jusqu'à
présent le Ministère n'a pas tenu compte des doléances
des professionnels concernés.
Les commerçants
qui font de l'import/export se trouvent donc devant une grave décision
à prendre et certains vont même jusqu'à envisager de
quitter Djibouti pour des lieux moins contraignants.
L'accueil du Ministère
fut attentif notamment concernant les modalités de calcul de la patente
d'importateur.
Par contre, il fut
plus mitigé sur les redressements fiscaux. Mais il promit à
la CICID de créer un comité de liaison pour examiner dossier
par dossier.
Quant à la
troisième question, le président Coubèche lui a demandé
d'apporter une plus grande attention sur les statistiques qui lui sont fournies
car il est à craindre que même si on enregistre un progrès
en valeur des taxes dans ce domaine, il faut savoir aussi qu'une quantité
importante de ces produits ne passe plus par Djibouti. "
Voilà qui
se passe de commentaire et reflète le mécontentement généralisé
que connaît tout un pays.
Décidément...
CULTURE
JACQUES
HIGELIN A DJIBOUTI
Jacques Higelin,
le grand artiste français, arrive à Djibouti pour un concert.
Le spectacle est prévu pour demain 3 juin 2000 dans la salle des
spectacles du Centre Culturel Français Arthur Rimbaud (CCFAR) qui
a invité le musicien sous nos cieux.
C'est pour des raisons de fiabilité, semble-t-il, que la grande salle
du Palais du Peuple qui aurait permis à un public plus nombreux d'assister
au concert, n'a pas été retenue. Dommage, car Jacques Higelin
est le genre d'artiste à draîner du monde à ses spectacles.
Il faut dire que,
à l'instar d'un Bernard Lavillier où Serge Gainsbourg, ce
grand nom de la musique française a su franchir les frontières
de l'Hexagone. Comme il a su franchir les barrières identitaires.
N'a-t-il pas découvert et lancé des groupes tels que Shooter,
Téléphone, Diesel Rock, Lily drop, Sally Nyolo et ses Zap-Mama
?
Bienvenue à
Jacques. Que le public vibre aux sonorités de ce " cri qui vient
de l'intérieur " pour reprendre la jolie formule de Bernard
Lavillier.
EN
BREF -EN BREF
DES
ENFANTS LIVRÉS À EUX-MÊMES
Les élèves
de CM2 de la localité de Mouloud au district de Dikhil ont dû
se rendre à Dikhil-Ville pour passer l'examen d'entrée en
6ème.Les épreuves subies, ils se sont retrouvés dans
la rue avec parfois leurs accompagnateurs. Et pour cause parce qu'aucun
moyen de transport n'était à leur disposition pour le retour
à Mouloud.
Il a fallu faire
du stop aux bambins pour rentrer à la maison.
Aussi ont-ils erré
à longueur de temps...sans toujours bénéficier de la
générosité de quelque bonne âme !
Décidément...
FELICITATIONS
MAITRE
CALATAYUD DISTINGUE
Maître Roger-Vincent
Calatayud, avocat français au Barreau de Tarbes et ancien bâtonnier,
très engagé dans la défense des droits de l'Homme,
notamment en République de Djibouti où il défend les
opposants et autres détenus d'opinion, vient d'être décoré
par le Président de la République Française, Monsieur
Jacques Chirac, de la médaille de Chevalier de l'Ordre National du
Mérité. Distinction amplement méritée.
La Ligue Djiboutienne
des Droits Humains, l'Opposition Djiboutienne Unifiée (ODU), le Parti
du Renouveau Démocratique (PRD) ainsi que tous les démocrates
djiboutiens se réjouissent de cet honneur mérité et
adressent leurs vives félicitations à Maître Roger-Vincent
Calatayud.
C'est là une
victoire du droit sur la force tyrannique.
CE QU'ONT APPRECIE
NOS LECTEURS
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