Extrait
des nouelles d'ADDIS "www.lesnouvelles.org"
Entretien
avec Ahmed Dini Ahmed, président du Frud-armé,
ancien Premier ministre de Djibouti
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PROPOS
RECUEILLIS PAR
ALAIN LETERRIER (Les Nouvelles d'ADDIS)
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(Extraits
de l'entretien à paraître dans les Nouvelles d'Addis
n°16, mars-avril 2000)
Le Gouvernement
de la République de Djibouti et le Front pour la restauration
de l'unité et de la démocratie (Frud-armé) ont
signé un accord-cadre "de réforme et de concorde
civile" le 7 février à Paris. Selon cet accord,
"les prisonniers des deux parties détenus de part et d'autre
seront immédiatement libérés pour marquer le
début du processus mettant fin à l'état de belligérance."
Les combats ont cessé ; les premières libérations
de prisonniers ont eu lieu dans les tout premiers jours suivants l'accord
de paix. M. Dini, en exil en France, rentrera prochainement à
Djibouti ; on parle de son entrée au gouvernement. Une nouvelle
conception de la politique pourrait-elle voir le jour dans la Corne
de l'Afrique ?
Alain LETERRIER a rencontré Ahmed Dini et abordé trois
thèmes avec lui : lutte armée, perspectives politiques,
paix-sécurité-développement régional.
Voici les idées fortes de cet entretien. -- AL
"Djibouti
est une escale française, un port éthiopien,
une ville somalie, le tout enclavé dans un pays afar marginalisé."
[Robert Lambotte, l'Humanité, 1967]
[Paris,
14 février 2000]
AD.
La lutte armée c'est une forme d'expression lorsque [...] le
dialogue devient impossible ou inopérant. [...] À ce
moment-là, la lutte armée devient inévitable.
[...] Voilà le but d'une lutte armée : donner la parole
à la parole.
[...]
La
lutte armée a été déclenchée en
1991, lorsqu'une partie de la communauté nationale a considéré
qu'elle était l'objet d'une politique systématique d'exclusion
et de marginalisation. [...] Le pouvoir a répondu par la force.
Étant donné que la force était privilégiée
par le pouvoir, elle a également été choisie
par la partie qui se sentait lésée, comme réponse
à la force.
LNA.
L'accord-cadre met-il fin à la lutte armé ?
AD.
[...] Si je ne le croyais pas, je n'aurais pas signé cet accord.
Je crois que cet accord mettra fin à la lutte armée
parce qu'il permet d'examiner les causes de la lutte armée
et prévoit les réparations des conséquences de
la lutte armée.
[...]
LNA.
Avez-vous une idée des conséquences humaines, du gâchis
humain de la lutte armée ?
AD.
[...] La lutte armée a provoqué un énorme gâchis.
D'abord, elle n'était pas inévitable, à condition
que les deux parties fassent l'effort nécessaire pour l'éviter
; ensuite il n'était pas dit qu'elle devait se poursuivre aussi
longtemps, si les deux parties s'en étaient rendu compte suffisamment
tôt pour estimer le gâchis qu'elle provoquait.
[...]
Afin
d'affaiblir les tentatives des combattants maquisards, le gouvernement
a appliqué un blocus alimentaire et un blocus médical.
Il y a eu plusieurs épidémies qui ont aggravé
les effets des combats. Des régions entières ont été
dévastées, les cultures totalement détruites,
les gens qui vivaient d'élevage ont vu leurs troupeaux décimés,
par des actions voulues de l'armée gouvernementale. Il y a
eu des tortures, des viols, il y a des filles et des femmes qui sont
traumatisées pour la vie.
[...]
Nous
n'avons pas mené une guerre totale. En neuf ans de conflit,
nous n'avons pas perpétré un seul attentat individuel,
pas d'assassinat, pas un seul sabotage de bien public, pas d'actes
de guérilla urbaine. Les seules bavures possibles peuvent avoir
eu lieu lors du minage des voies de circulation empruntées
par les véhicules militaires.
[...]
Nous
n'avons pas posé une seule mine antipersonnel [...], c'est
un type d'arme que nous n'avons jamais voulu posséder, que
nous n'avons jamais utilisé.
[...]
Nous
avons mené une guerre chevaleresque pour laisser une porte
ouverte à la réconciliation et à la coexistence.
[...]
Nous
avons déjà commencé à déminer,
parce que nous connaissons le nombre de mines, les emplacements puisqu'il
n'y a pas de minage systématique. [...] Pour nous, quelques
dizaines. Seulement sur des tronçons de routes qui relient
un poste militaire à un autre.
[...]
LNA.
Revenons aux aspects politiques de la lutte armée ; quels en
étaient les fondements et les visées idéologiques
?
AD.
Notre lutte armée n'avait pas pour objet de créer un
État distinct de celui que nous combattions. Elle n'avait pas
non plus pour objectif d'imposer une idéologie différente
- gauche, droite, communiste, capitaliste, islamiste... Elle n'avait
pas cet objectif d'imposer quelque chose de différent de ce
qui était en cours dans le pays. Notre lutte avait pour objectif
principal, je dirais même unique, de considérer et de
traiter l'ensemble de la communauté nationale sur un même
pied d'égalité. Mêmes droits mêmes devoirs.
Ce qui devait couvrir la démocratie, permettre le pluralisme,
la liberté d'opinion, d'expression, d'association, de manifestation.
Rien
que de classique et de conventionnel. Mais le pouvoir considérait
une partie de la population, les Afars, comme des intrus introduits
dans le pays par le colonialisme français. Alors qu'ils étaient
là lorsque le colonialisme français est arrivé,
ils étaient même, je peux dire, les seuls à se
trouver là. Partant de là, il les considérait
comme un résidu de colonialisme qui devait donc être
éliminé par l'indépendance.
[...]
Maintenant
le Frud-armé est un mouvement national.
LNA.
Estimez-vous que l'élection de M. Ismaël Oumar Guelleh
à la présidence a créé une ère
politique nouvelle ?
AD.
[...] L'offre de dialogue n'est pas nouvelle, elle n'est pas la première,
c'est une proposition que nous faisons périodiquement. L'offre
de dialogue avait eu lieu avant le déclenchement de la lutte
armée, en 1991, et c'est faute d'avoir été prise
en considération que la guerre s'est déclenchée.
Et après le déclenchement de la lutte armée,
nous l'avons renouvelée et la lutte armée a continué
parce que cette nouvelle offre n'a pas été écoutée.
Mais
la différence entre l'offre actuelle et les multiples offres
précédentes, c'est que les précédentes
avaient été formulées par l'intermédiaire
d'une tierce partie. [...] C'est une ère nouvelle parce que
c'est un nouveau président. Son prédécesseur
avait refusé toutes les démarches.
LNA.
Est-ce seulement parce que c'est un nouveau président ou est-ce
parce qu'il n'est pas pareil ?
AD.
Il y a des deux. Il est nouveau dans la fonction présidentielle
- quoiqu'il n'était pas très loin de la présidence
puisqu'il était chef de cabinet - et il est différent
parce qu'il est jeune et qu'il peut avoir l'ambition de rester longtemps
au pouvoir. Par ailleurs, il a une formation intellectuelle différente
de celle de son prédécesseur ; c'est un homme que l'on
peut dire cultivé et qui peut donc avoir une ouverture d'esprit
plus large. C'est pour cette raison que nous nous sommes adressés
directement à lui et je considère, jusqu'à présent,
que nous ne nous sommes pas trompés dans notre appréciation.
Pour la suite, nous verrons...
[...]
Je
crois qu'il comprendra, ou même qu'il a déjà compris,
que la formule actuelle d'exercice du pouvoir est une formule sans
avenir. Parce que l'environnement international, l'environnement régional
et l'environnement local ne sont pas comme avant. [...] Les dictatures
ont été éliminées de plusieurs continents
[...] ; elles sont actuellement, je ne dirais pas harcelés
mais encerclés. On fait attention aux violations des droits
de l'homme, au développement humain. Donc les pouvoirs autoritaires,
autocratiques, qui empêchent le développement humain
et le développement économique de leurs pays ne sont
pas très appréciés à travers le monde.
[...]
Il
a été élu, il y a moins d'un an, il lui reste
encore cinq ans avant les prochaines élections pour redresser
la situation. Si les cinq ans sont utilisés pour faire taire
les oppositions, les syndicalistes, les critiques... ce seront cinq
ans de perdus et pour un résultat aléatoire ; si ces
cinq ans sont utilisés pour libéraliser, pour réaliser
une vertu et un début de développement humain et une
remise sur la voie des progrès économiques, je pense
que le résultat sera meilleur.
[...]
LNA.
L'accord-cadre dit "il n'y a pas de république viable
sans démocratie, ni démocratie sans équilibre
des pouvoirs, pluralité de l'opinion, liberté d'en faire
état et de droits d'agir pour les faire valoir...", quelles
garanties vous sont offertes concernant ces aspects ?
AD.
Il n'y a pas de garantie. Nous n'avons pas demandé de garanties
parce qu'il n'y en a pas. Il y a des principes et les exigences de
ces principes. Ces principes ont été formulés
par écrit. La seule garantie qui vaille c'est que ceux qui
doivent bénéficier de ces principes luttent sans relâche,
voilà la seule garantie ; la garantie écrite ou orale,
ça n'existe pas. Combien de textes écrits sont violés,
bafoués, du moment que le rapport de force le permet ? Combien
de promesses verbales sont parties en l'air ? La seule garantie c'est
la continuité, l'équilibre politique, le rapport de
force et la lutte sans relâche. Nous sommes décidés
à exercer ces garanties.
LNA.
En somme, vous venez de poser le fusil mais il restera dans un coin
de la maison...
AD.
Je ne sous-entends pas la reprise des combats armés, mais la
lutte politique. Mais comme les mêmes causes produisent les
mêmes effets...
LNA.
Tout le monde dit que vous allez entrer au gouvernement.
AD.
Moi je ne l'ai jamais dit. Et ce n'est écrit nulle part. Je
ne suis pas amoureux du pouvoir ni des fauteuils ministériels.
Et puis j'ai largement dépassé l'âge où
on recherche le pouvoir pour le plaisir. Tous les candidats au pouvoir
disent qu'ils ne sont pas candidats. Mais ce n'est pas mon cas. Et
si je suis appelé à participer d'une manière
ou d'une autre au pouvoir, ça sera pour faire quelque chose
d'utile et non pas pour profiter des avantages liés au pouvoir.
LNA.
À quel niveau accepteriez-vous de "faire quelque chose
d'utile" ?
AD.
Partons d'un principe. J'ai des idées précises sur le
diagnostic du mal djiboutien. Et également, étant donné
que je prétends poser un diagnostic juste, j'ai des idées
précises sur les traitements, sur la thérapeutique.
Poser un diagnostic et poser une thérapeutique n'est pas l'affaire
d'un garçon de salle ou d'un infirmier. Cela se situe à
un autre niveau. Je ne peux pas être plus clair.
LNA.
Il existe plusieurs mouvements d'opposition à Djibouti. Le
fait que vous seul, leader du Frud-armé, ayez signé
un accord d'égal à égal avec le président
djiboutien ne modifie-t-il pas l'équilibre des pouvoirs ?
AD.
En ce qui me concerne, je crois que le fait que le Président
ait dépêché son chef de cabinet montre bien qu'il
attache une importance au fait de signer cet accord avec moi. Mais,
dans mon esprit, cela ne marginalise pas le reste de l'opposition
qui se trouve à l'intérieur. L'opposition armée
présente une particularité, celle d'être armée
et de mener une lutte armée. Il a été tenu compte
de cette particularité d'abord pour donner à la paix
civile sa chance. Les partis ou les oppositions légales ou
civiles c'est dans le cadre d'une paix retrouvée et assurée
qu'ils pourront exercer leur activité. Ils viendront donc chronologiquement
au deuxième stade du déroulement des processus : d'abord
on fait la paix, ensuite, dans un pays en paix, l'opposition et le
pouvoir discutent pour régler les caractéristiques civiles
de la chose politique. Mais la revendication de la démocratisation,
présentée dans l'accord, correspond bien aux revendications
de toute l'opposition djiboutienne unifiée et non pas seulement
à la revendication du Frud.
Je
n'aurais pas servi la démocratie si je participais à
la marginalisation de l'opposition ou d'une partie de l'opposition.
La démocratie a besoin d'opposition.
[...]
LNA.
Vous avez qualifié de "gesticulations" l'initiative
djiboutienne visant à régler la crise somalienne [cf.
déclaration à l'AFP, publiée le 18/11/99]. Que
pensez-vous de la politique étrangère de Djibouti dans
la région ?
AD.
Je pense toujours la même chose. J'ai bien employé ce
mot, mais dans une phrase précise. Pour moi ce mot signifie
faire des gestes dans tous les sens. Mais cette "gesticulation"
en l'occurrence n'est pas dénuée d'intérêt.
Parce qu'elle permet que l'on parle de la Somalie qui commençait
à quitter les préoccupations internationales. Maintenant,
à l'occasion de cette gesticulation, on en parle. J'ai dit
gesticulation parce que je suis convaincu qu'une solution au problème
somalien ne viendra pas de l'extérieur - quelle que soit la
perfection du plan qui sera présenté - mais qu'elle
viendra des Somaliens eux-mêmes.
[...]
LNA.
Vous avez déclaré que "le groupe afar est le plus
concerné et le plus intéressé par l'arrêt
des combats entre l'Éthiopie et l'Érythrée".
Avez-vous une position personnelle dans les revendications des deux
parties en présence dans ce conflit ?
AD.
Pour parler des revendications territoriales, je connais pas les cartes
de la région et des frontières de cette région,
je suis donc absolument incapable de dire qui a raison et qui a tort
sur le plan des revendications territoriales. Mais je continue à
considérer, comme je le disais en novembre dernier, une question
purement frontalière ne mérite pas une guerre entre
ces deux pays. Pour régler un contentieux territorial, il y
a des instances régionales, internationales, judiciaires. Il
y a le tribunal international de La Haye ; il y a des accords, des
conventions... La frontière éthio-érythréenne
ne se trouve pas sur Mars, c'est un endroit connu qui figure sur les
cartes ; si ces cartes sont véridiques, truquées, il
y a des instances qui sont capables de déchiffrer ces cartes
et de dire la vérité. Actuellement, on peut savoir la
frontière d'après les cartes internationales existantes
; on peut même savoir la frontière par satellite, à
un mètre près. Cela ne mérite pas la mort de
centaines ou de milliers de gens.
[...]
Les
Afars se trouvent en Érythrée comme Érythréens,
en Éthiopie comme Éthiopiens et bien sûr à
Djibouti aussi. En Éthiopie ou en Érythrée, ils
sont conscrits dans l'armée de gré ou de force. Ils
ont la particularité d'appartenir aux mêmes tribus, aux
mêmes familles. Donc des frères, des cousins se tirent
dessus en estimant qu'ils ont tort des deux côtés. Dans
chaque famille c'est un drame. Et c'est un drame politique également
parce que les Afars d'Érythrée font l'objet de soupçons
de sympathies avec l'Éthiopie et on se méfie d'eux en
Érythrée. Et l'inverse, en Éthiopie. Donc pour
les Afars, il n'y a pas de paix et il ne jouit de la confiance de
personne dans la guerre. Il tue à tort, il meurt à tort.
Une partie des Tigréens se trouve dans la même situation
puisqu'ils se trouve des Tigréens des deux côtés.
Ce sont les deux peuples qui se trouvent dans cette situation. Les
trois frontières passent au milieu des familles afars. Nous
sommes donc le groupe le plus concerné par la paix. S'il n'y
a pas la paix, nous ne pouvons pas choisir, puisque nous avons de
la famille de l'autre côté. Nous ne pouvons pas considérer
l'Érythrée comme ennemi, nous ne pouvons pas considérer
l'Éthiopie comme ennemi puisque les rapports entre les familles
dépend des rapports entre les états. Nous sommes les
seuls à nous trouver dans cette situation.
[...]
Ils
[les Afars, ndlr] ne peuvent pas avoir un avenir indépendant
de l'avenir de la région. Les Afars érythréens
se considèrent comme Érythréens, les Afars djiboutiens
se considèrent comme Djiboutiens, les Afars éthiopiens
se considèrent comme Éthiopiens. Et leur avenir dépend
des relations entre ces trois États.
[...]
Les
aspirations des Afars sont que les relations entre les trois pays
soient les meilleures possibles pour ne pas être écartelés.
La politique de chacun de ces trois pays est la politique afar. Pour
éviter l'écartèlement, il faut qu'ils vivent
en harmonie. Et l'avenir afar se trouve dans cette harmonie. Pour
le moment, dans les trois pays ils craignent d'abord d'être
marginalisés parce que chacun les soupçonne d'être
en faveur de l'autre.
LNA.
Mais à Djibouti, quel est l'avenir des Afars djiboutiens ?
AD.
La décentralisation. Un pouvoir décentralisé
où ils pourront administrer la région qu'ils habitent.
Pour que leur bien-être, leur développement et même
leur survie ne dépendent pas d'un pouvoir centralisé
qui pourrait leur être hostile. Le passé nous démontre
que c'est possible. Le pouvoir à Djibouti, de 1977 à
1991, était absolument hostile à la nationalité
afar. Sur tous les plans. Pour se prémunir contre l'hostilité
d'un pouvoir centralisé, il n'y a que la décentralisation.
Ce n'est pas irrédemptisme, sécessionnisme ou séparatisme,
c'est une exigence de survie.
LNA.
Certains de vos frères du Frud ont été arrêtés
par les autorités éthiopiennes et livrés à
Djibouti. En concevez-vous de la rancoeur ?
AD.
De la rancoeur non. Parce que les dirigeants des États prétendent,
ou sont convaincus que leurs actions sont dictées par l'intérêt
des pays qu'ils dirigent. Ils ont considéré à
un certain moment que capturer et livrer sommairement les dirigeants
du Frud à Djibouti servait l'intérêt de leur pays.
Je pense qu'ils sont revenus de cette conviction. Pour deux raisons.
Premièrement parce que l'intérêt de l'Éthiopie
à Djibouti ne dépend pas d'une des parties en présence,
mais de tout le monde. Donc, en se dressant contre les Afars, ils
ne servent pas l'intérêt de leur pays. Deuxièmement,
l'activité politique afar, quelle que soit la forme utilisée
pour cette activité, n'est pas fondamentalement contre les
intérêts de l'Éthiopie. Comme elle n'est pas contre
les intérêts d'aucun des pays de la région.
[...]
LNA.
Quel est votre point de vue sur l'évolution des relations djibouto-éthiopiennes
?
AD.
Djibouti c'est essentiellement le port. Il y a une admirable définition
donnée par un journaliste français, du journal communiste
l'Humanité, Robert Lambotte, qui a dit (il faisait partie de
la délégation de journalistes qui accompagnait de Gaulle,
en 1967 à Djibouti) : "Djibouti est une escale française,
un port éthiopien, une ville somalie, le tout enclavé
dans un pays afar marginalisé". C'est absolument véridique.
Et ça n'a pas changé. Le port de Djibouti a été
principalement édifié comme débouché de
l'Éthiopie, import et export. Il y a donc ce lien organique
entre l'Éthiopie et Djibouti. Si le port de Djibouti n'est
pas utilisé par l'Éthiopie, il n'a pas d'autre client
ou très peu. C'est un port de redistribution mais personne
ne l'utilise pour la redistribution. Il est utilisé à
80 ou 90% par l'Éthiopie.
Djibouti
sans port, ce n'est pas Djibouti. Donc il y a ce lien. Mais à
partir de ce lien, Djibouti et l'Éthiopie doivent éviter
plusieurs écueils dont le principal et le plus dangereux, du
côté éthiopien, serait de vouloir mettre la main
sur Djibouti pour qu'il soit sous la souveraineté éthiopienne.
C'est un risque dangereux pour l'Éthiopie. Si l'Éthiopie
mettait la main sur Djibouti, elle perdrait ce port. Djibouti deviendrait
ipso facto partie intégrante, prolongement de l'Ogaden, donc
un territoire à libérer. Il y aurait donc une lutte
de libération. Les autorités djiboutiennes doivent éviter
de se conduire en vassaux de l'Éthiopie. Il doit y avoir complémentarité,
pas dépendance. Djibouti doit garder sa marge de manoeuvre,
sa liberté.
LNA.
Quand rentrez-vous à Djibouti ?
AD.
Oui je vais rentrer, mais en évitant la précipitation
et la lenteur. Si je suis trop long à rentrer, la dynamique
que nous avons créée par la signature se casserait ;
il ne me faut pas trop tarder, trop traîner, faire preuve de
trop de lenteur. Mais si je rentrais dès maintenant, je créerais
une précipitation, un tourbillon, des activités qui
nuiraient à la sérénité de l'action. Je
rentrerai d'ici deux ou trois semaines [la première semaine
de mars donc, ndlr]. La précipitation n'est pas souhaitable
et trop de lenteur non plus.
_____________________________________________________________________
LA
PAIX À DJIBOUTI ? --
"Convaincus qu'à la suite d'une confrontation armée,
ayant opposé des membres de la Communauté nationale
djiboutienne, il est indispensable d'apporter des solutions globales
et définitives permettant l'instauration de la paix civile
par le dialogue, la tolérance et le respect de l'autre",
le gouvernement de la République de Djibouti et le Front pour
la restauration de l'unité et de la démocratie (Frud-armé)
ont signé un accord-cadre "de réforme et de concorde
civile" le 7 février à Paris.
Les combats ont cessé ; les premières libérations
de prisonniers ont eu lieu. Fait nouveau, le texte de l'accord fut
tout de suite disponible en ligne : sur un site d'opposition en France
d'abord, sur un site proche du gouvernement djiboutien ensuite. Le
premier offre en plus le communiqué de presse commun gouvernement-Frud.
L'accord sur le site "Liberté-Aref"
L'accord sur le site "République-Djibouti"
PAIX-SÉCURITÉ-DÉVELOPPEMENT
RÉGIONAL. --
Et si le traité de paix entre le gouvernement djiboutien et
son opposition armée changeait profondément les choses
dans la région ? Nous avons rencontré Ahmed Dini Ahmed,
président du Frud-armé, ancien Premier ministre de Djibouti.
L'entretien intégral paraîtra dans les Nouvelles d'Addis
n°16, mars-avril 2000. Des extraits significatifs sont mis en
ligne.
M. Dini, en exil en France, rentrera prochainement à Djibouti
; on parle de son entrée au gouvernement - et pourquoi pas
comme Premier ministre ? Une nouvelle conception de la politique verrait-elle
le jour dans la Corne de l'Afrique ?
Trois thèmes sont abordés dans l'entretien avec M. Dini
: lutte armée, perspectives politiques, paix-sécurité-développement
régional.
LE FRUD OPÉRAIT-IL DEPUIS L'ÉRYTHRÉE
? --
Paris, vendredi 18 février 2000, Ahmed Dini Ahmed, président
du Front pour la restauration de l'unité et de la démocratie
(Frud-armé), dément la rumeur faisant état d'opérations
conduites par des maquisards de son mouvement à partir du territoire
érythréen.